Il y a peu de temps encore, tout nouvel album des Pogues était attendu, non sans impatience, pour ses promesses d’une fiesta païenne en marge de tout entendement, pour sa folie bon enfant, ses crachats, ses excès à l’éthylomètre. Seulement voilà, le Peace and love de l’an dernier n’avait fait qu’effleurer le climat barbare de […]
Il y a peu de temps encore, tout nouvel album des Pogues était attendu, non sans impatience, pour ses promesses d’une fiesta païenne en marge de tout entendement, pour sa folie bon enfant, ses crachats, ses excès à l’éthylomètre. Seulement voilà, le Peace and love de l’an dernier n’avait fait qu’effleurer le climat barbare de ses prédécesseurs. McGowan ayant quasiment déserté le pont du navire pour aller cuver dans la soute, ses acolytes et Steve Lillywhite en avaient profité pour polir les angles et transformer l’enfer de l’édenté en une chorale de jésuites un brin encanaillés. Les Pogues étaient subitement devenus banals, frappés du syndrome Canada Dry. Un comble.
Avec Hell’s ditch, changement de cap, exit Lillywhite et sa production bcbg. Strummer, lui, ne rechigne pas à plonger les mains dans le cambouis. A l’instar de Costello, Action Joe valorise les postillons, pose ses micros sous les aisselles et dans les entrailles d’un McGowan tout requinqué par ses nouvelles canines, seul maître à bord du bateau ivre. Les hits s’enchaînent ici façon juke-box, du rigolard Sunny side of the street au House of the gods dépenaillé. Avec Summer in Siam comme pièce de choix, sérénade crépusculaire vertigineuse, comme un body-massage au clair de lune de Pattaya. Carnet de route improbable, Hell’s ditch est surtout prétexte à de nouveaux folklores, l’habituelle Guinness-bal popu cédant un peu de terrain à des senteurs (opium ?) moins convenues.
Après avoir réclamé, pêle-mêle, des roses rouges, du fouet, du rhum, les faveurs de Sodome,
la grâce de Dieu, la paix, l’amour, McGowan et son gang titubent à présent, comme Genet et Garcia Lorca, dans le fossé de l’Enfer. Le Malin se marre de nouveau comme avant. Ouf ! Ils sont malsains… et saufs.
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Archives du n°26 ( nov/ déc 90)
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