Plus belle source de joie américaine, les candides et solitaires Papas Fritas bronzent sur la plage des Beach Boys. Au clair de la lune. “Who needs a myth/When you are young and free ” (Qui a besoin de mythe/Quand on est jeune et libre ?), entend-on, déjà ivre de bonheur, dans la troisième chanson Say […]
Plus belle source de joie américaine, les candides et solitaires Papas Fritas bronzent sur la plage des Beach Boys. Au clair de la lune.
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« Who needs a myth/When you are young and free » (Qui a besoin de mythe/Quand on est jeune et libre ?), entend-on, déjà ivre de bonheur, dans la troisième chanson Say goodbye. Ce pourrait être la devise de ce groupe affranchi de toutes choses terrestres quelque chose comme un croisement sur la lune entre la candeur de Jonathan Richman et la félicité de Jan & Dean , mais il s’en est déjà trouvé une chouette, homonyme de Papas Fritas : « Pop has freed us » (La pop nous a libérés). Libérée de toute pesanteur, la pop américaine de Papas Fritas voit beaucoup de choses les refrains Spector, la luxuriance Wilson, les mélodies Nelson mais de très haut, le regard un peu flou, amusé par cette vaine agitation des hommes d’en bas. Et chante : « I like small rooms, lalalalalalalalala » sur une musique, effectivement, de chambre. Mal rangée, la chambre, mais formidablement éclairée : normal, Tony Goddess quel nom, quand même y a passé le plus clair-obscur de sa vie, avec des instruments en bois qu’il a domestiqués, auxquels il fait accomplir d’ahurissants tours de passe-passe. Des choses comme le saut périlleux de guitare à deux cordes, le dévissé-poilade de contrebasse, la brouette vénézuélienne de batterie-jouet. Pour ce nouvel album, il a troqué sa vieille chambre contre une neuve, histoire que tout le groupe cohabite avant d’y mettre le feu dans une même maison. Bicoque fatalement baroque une ancienne école, hantée comme un décor de Scoubidou située à quelques kilomètres de chez John Updike, à Gloucester, Massachusetts, en bord de mer. Miraculeux comme on peut voir le monde depuis une même ville sans voir du tout les mêmes détails : quand Updike broie du noir, Papas Fritas broie du rose, du vert, du bleu céleste ; quand Updike voit l’Amérique sombre et sombrer, Papas Fritas ne voit pas l’Amérique : juste un couple, irrécupérablement romantique. On le connaît déjà intimement, pour l’avoir longuement fréquenté sur Papas Fritas, l’album le plus scandaleusement sous-estimé de ces dernières années, car ayant eu la très mauvaise idée de n’entrer dans aucune case, l’imagination trop débordante pour les petites boîtes. Car Papas Fritas peut bien chanter « You’re not alone » à tue-tête sur une power-pop vigoureuse que n’auraient pas reniée les Pixies (s’ils avaient joué unplugged), on sait le groupe absolument seul au monde, ne se connaissant qu’un vague frère de sang et encore, plutôt un grand-père de sang : le Bowie magnifiquement puéril de Laughing gnome, de Kooks. Car il a beau aligner ses classiques Hey hey you say, Say goodbye , Tony Goddess ne connaît des jeux de plage chers aux Beach Boys (Rolling in the sand) que les bains de minuit, la plage déserte, la nuit autour d’un feu de camp où se consument les illusions, les obligations adultes. Il a beau polir et lustrer pour rendre ses chansons absolument présentables à l’Amérique (le solide Sing about me, le carré Small rooms), c’est un enfant, émerveillé et terrorisé, qui chante sourire aux lèvres : « La ville rend les hommes fous/Je n’arrive pas à y comprendre tes sentiments/Pourquoi n’achèterions-nous pas une maison au bord de la mer ? » Le bonheur, chez Papas Fritas, c’est aussi simple que ça : quand je serai grand, j’achèterai une maison au bord des sables émouvants de Brian Wilson. A la pharmacie, vous aurez désormais le choix : vingt boîtes de Prozac ou un album de Papas Fritas, sa version homéopathique.
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