HASHIRIGAKI d’après des textes de Gertrude Stein, spectacle musical d’Heiner Goebbels, à Nanterre
Internationaliste : trois interprètes malicieuses jouent, chantent et dansent sur un texte de Gertrud Stein. Un plaisir communicatif.
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Décidément, pour Gertrude Stein, le monde est rond. De cette certitude, elle fit même un ouvrage à l’attention des enfants (Le Monde est rond) sautillant comme une comptine, truffé de gags et de péripéties. On pourrait en dire autant de la dernière production d’Heiner Goebbels pour Les Amandiers de Nanterre. D’abord, parce que des extraits de deux textes de Gertrude Stein (The Making of Americans etThe Making of pet sounds) sont immergés dans l’univers coloré de Hashirigaki. Ensuite, parce que les dernières péripéties gouvernementales concernant la reprise du théâtre des Amandiers de Nanterre ont abouti à la nomination de Jean-Louis Martinelli, avant même que le projet collectif déposé par Heiner Goebbels, André Wilms, Frédéric Fisbach, Pascal Dusapin et Antoine Gindt ait été étudié par le ministère de la Culture. Ça fait désordre… Quel rapport avec Hashirigaki ? Disons qu’il concerne cet aveu de légèreté posé ici en contrepoint de l’univers plus sombre dont témoignaient les précédents spectacles d’Heiner Goebbels, Max Black et Black on white. En outre, l’écriture de Gertrude Stein l’autorise à démontrer, de façon ludique et totalement réussie, que l’on peut avoir plusieurs cordes à son arc, sans les ranger toutes dans le même fourreau ! Le regard univoque, très peu pour lui. Il préfère, et de loin, le partage de vues. D’où le choix des trois interprètes d’Hashirigaki : la Japonaise Yumiko Tanaka, la Canadienne Marie Goyette et la Suédoise Charlotte Engelkes, tour à tour chanteuses, actrices, danseuses et musiciennes, avec un humour et un plaisir intensément communicatifs. Que ce soient la scénographie et les lumières de Klaus Grünberg qui privilégient les projections d’images ou de couleurs aux bons vieux décors en dur, les costumes farfelus ou sublimes dessinés par Florence von Gerkan ah ! ce kimono-chrysalide qui gonfle au moindre geste ou la superposition des musiques traditionnelles japonaises, des Beach Boys et de la partition d’Heiner Goebbels, tout enjoint à se laisser submerger par le flux des images proposées. Ce faisant, on retrouve au c’ur de la représentation scénique la spécificité de l’écriture de Gertrude Stein décrite par Heiner Goebbels : « Son écriture est en constant mouvement. Le processus est transparent et fait partie du livre lui-même. Tout en lisant et écoutant le texte, vous pouvez accéder à sa réflexion, un flot permanent de pensées intimes. » Traduites sur scène par un défilé d’objets, de grimaces, de postures, d’instruments détonants et résonants, de chants filés comme une guimauve acidulée qui redonne le sourire et de l’appétit. En donnant vie aux constructions de l’imaginaire déclinées dans les livres de Gertrude Stein, l’équipe d’Heiner Goebbels déjoue toute simplification du propos et toute raideur dans son expression. S’amuser de ses contemporains, c’est toujours rire de soi, à condition d’être sincère.
Cela demande peu de chose : de la rapidité et le goût de l’essai, de sa tentative et de sa réalisation. En japonais, un seul mot pour dire tout ça (courir, se dépêcher/rédiger couramment, faire des esquisses) : « hashirigaki ».
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