Revenus de la Californie des Beach Boys ou de Steely Dan, les High Llamas inventent le easy-listening, pas toujours easy, de demain. Le soleil d’Hawaii est menacé par l’orage. Pour avoir vu, à l’époque de l’inestimable Santa Barbara, un Sean O’Hagan particulièrement nécessiteux traîner une paire de pompes misérables piteusement rafistolées avec de la […]
Revenus de la Californie des Beach Boys ou de Steely Dan, les High Llamas inventent le easy-listening, pas toujours easy, de demain. Le soleil d’Hawaii est menacé par l’orage.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Pour avoir vu, à l’époque de l’inestimable Santa Barbara, un Sean O’Hagan particulièrement nécessiteux traîner une paire de pompes misérables piteusement rafistolées avec de la ficelle et de la bande adhésive sur une scène perdue de province, on lui sera éternellement reconnaissants de n’avoir jamais renoncé. Tant d’autres auraient craqué, aux heures les plus sombres, quand, poussé par la disette, il lui fallait cachetonner pour le compte de Stereolab tandis que son grand-œuvre fauché, Gideon Gaye, errait sur des labels improbables, en quête d’une distribution enfin digne de son rang. Mais Sean O’Hagan n’a rien d’un de ces enfants gâtés de la brit-pop. Pas le genre tête à claques à héler son manager au premier accroc sur son joli costume tout neuf. Sean O’Hagan revient de loin. Depuis Cork et les premiers vagissements de Microdisney jusqu’aux applaudissements unanimes qui, l’an passé, saluèrent la résurrection inespérée de Gideon Gaye, ce clochard céleste aura eu tout le loisir quinze longues années de méditer sur le sens du mot patience. Alors, maintenant que l’heure est venue pour lui de toucher sa part du gâteau, Sean O’Hagan prend son temps. Hawaii n’est que ça, longue plage extatique en vingt-neuf mouvements qui semblent n’en plus finir de disséquer les obsessions de leur auteur, comme pour mieux leur tordre le cou. Définitivement. Où l’on se rend compte que Gideon Gaye n’était en fin de compte que le brouillon faramineux de Hawaii, l’ultime écot versé aux vieilles idoles, qu’elles aient pour nom Brian Wilson, Burt Bacharach ou Van Dyke Parks voir le lettrage de la pochette, intégralement pompé sur celui de Song cycle. Avec ce nouvel album, Sean O’Hagan jette aux orties la livrée amidonnée de gardien de musée qu’on se complaisait à lui voir porter pour prendre la tangente vers une façon qui n’appartient qu’à lui. Au passage, n’en déplaise aux pitres aimables de Mike Flowers Pops, il invente le véritable easy-listening de l’époque. Un art raffiné, touffu et abscons. Labyrinthique. Il fait bon se perdre dans Hawaii, errer au gré de chansons ivres noyées dans des séquences instrumentales béates, entrelacs de cordes pâmées, de cuivres en pâmoison, cadencées par des leitmotivs de banjo filigrané, de vibraphone ondoyant, de chœurs ravis, bluffées par la voix de tête d’un Sean O’Hagan superbe, entêté à enfoncer son clou doré. Bien plus proche de la luxuriance originelle que d’un quelconque paradis artificiel pour Yankees en bermuda, Hawaii révèle enfin sa vraie nature. L’apothéose d’une pop enfin redevenue vierge.
{"type":"Banniere-Basse"}