Du grand rock anglais biberonné aux nineties américaines. Critique et écoute.
La tignasse ébouriffée et la raie de côté : cette pop a définitivement une bonne tête, qui nous revient. Et elle revient de loin : des années 90, où des Américains inauguraient cette façon à la fois brutale et douce, méticuleusement pop et irrémédiablement vandale, d’envisager la chanson.
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Elliott Smith, Pavement, Weezer, Eels, Sparklehorse ou Yo La Tengo sautent ainsi aux oreilles dès qu’on se love dans le moelleux/cagneux de ce premier album du trio londonien. Ça, c’est pour le son, sa beauté négligée, ses écarts de dynamiques, ses dérapages soniques, qui passent de ballades comateuses aussi enveloppantes que Baby, Jesus (Jelly Boy) ou Pumpkin Noir à des chansons de rock opiniâtre, joué bave aux lèvres souriantes comme It’s on You ou Naked Patients. Mais la force du trio ne réside pas dans ce son, aussi exaltant et lumineux soit-il : on le connaît déjà, on l’a fréquenté bibliquement.
Non, la puissance de ces chansons, c’est leur gène anglais, même enfoui dans un ADN USA. Soit un sens du refrain même dans le sagouin et un goût sévère pour l’absurdité, voire le non-sens absolu, qui illuminent, parfois en noir, des textes comme Montreal Rock Band Somewhere ou Great Minds Think Alike, All Brains Taste the Same, où les slackers se font littéraires – un journaliste anglais les a comparés à Kurt Vonnegut, et il avait raison pour ce mélange d’humanité, de déraison et d’humour tordu.
Mais puisqu’on dit, à tort, qu’un disque ne se lit pas, les chansons, leurs refrains un peu patraques, essoufflés, négligés suffiront ici à emporter l’enthousiasme. Leur négligence bienvenue, leur nonchalance contagieuse forment un redoutable rempart contre le sérieux, la compétence merdeuse de tous ces groupes appliqués, élevés en batterie. “Anything I do is all right”, dit une chanson, qui sous-estime gravement ce premier album.
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