Happens

Pour beaucoup, l’impeccable acteur anglais David Hemmings (1941-2003) restera pour l’éternité le photographe de mode qui trimbalait sa bobine dans les décors londoniens de Blow-Up. Ce qu’on sait moins, c’est que cet homme plein de ressources, qui fut aussi réalisateur, producteur et peintre à ses heures, taquina aussi avec talent la muse de la musique. Chanteur d’opéra dans son enfance (Britten l’adulait), il traîna ensuite ses guêtres dans les clubs folk de Londres, avant d’enregistrer à Los Angeles ce disque admirable ? un grand cru totalement méconnu du millésime 1967.

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Soutenu par un backing-band de luxe (dont Roger McGuinn et Chris Hillman, des Byrds), Hemmings endosse avec une classe confondante l’habit de soie d’un folk bordé de cordes, clavecins, flûtes et hautbois, et investit en maître tout ce qui lui tombe sous la voix : une chanson inédite de Gene Clark, le toujours cisaillant Reason to Believe de Tim Hardin, une paire de ballades traditionnelles remontées du fond des siècles et deux ritournelles taillées par les mains d’argent de Bill Martin, collaborateur des Monkees.

Cerises acides sur cette exquise pièce montée : trois improvisations psychédéliques au cours tumultueux, dans lesquelles Hemmings s’immerge avec la diction hallucinée d’un type qui vient de fumer un entrepôt de moquettes. Trop décalé pour être repéré par les radars de la critique, cet album essuya un tel bide que l’acteur mit aussi sec un terme à sa carrière musicale. Histoire de ne pas souffler sur la braise des regrets, on évitera de spéculer sur les surprises que ce brillant dilettante aurait encore pu nous réserver, s’il avait connu un destin plus favorable.