Il y a une vraie jubilation, voire un soulagement, à se faire ainsi agresser/caresser dès les premières minutes de Guero : cette impression que “Beck is back”, que les rangements trop sages de ses trois derniers albums se sont effondrés et, qu’à nouveau, c’est le bordel dans l’antre coloré et biscornu du Californien. Car on […]
Il y a une vraie jubilation, voire un soulagement, à se faire ainsi agresser/caresser dès les premières minutes de Guero : cette impression que « Beck is back », que les rangements trop sages de ses trois derniers albums se sont effondrés et, qu’à nouveau, c’est le bordel dans l’antre coloré et biscornu du Californien. Car on peut l’admettre aujourd’hui : on a parfois fait semblant d’aimer son trop raisonnable et ordonné triumvirat Mutations (exercice de style folklo, 1998), Midnite Vultures (exercice de style funk, 1999) et Sea Change (exercice de style pop, 2002). Pire : on a simulé l’orgasme en criant au génie alors qu’en fait, à chaque fois, on pensait à une autre.
L’autre, c’était cette extraordinaire foire à tout de Mellow Gold (1994), insolent et indolent premier album où le blondinet agité mélangeait en toute innocence tous les sons que son quartier bigarré du bario de Los Angeles dégueulait à pleines fenêtres : des fanfares mariachi et du hip-hop, du blues et de la pop cosmique, du folk et du punk-rock avachi. Pas étonnant qu’en 2005 Beck soit rentré se ressourcer au bario, d’où il a ramené le même catalogue farfelu et nonchalant de sons et d’ambiances. Pas étonnant, non plus, qu’il ait une fois encore fait appel aux producteurs Dust Brothers ? ceux de Mellow Gold ? pour « organiser » à leur manière laxiste ces chansons très fâchées avec la discipline, la raison, le calibrage.
Plutôt que de refuser le mélange des torchons et des serviettes, comme sur ses trois derniers albums, Beck choisit enfin de les réconcilier glorieusement, avec le linge sale en plus ? et d’organiser une gigantesque bataille de polochons où des bribes de rap frappent joyeusement une pop précieuse, où un folk sensible se fait pervertir par un rock négligé. Et ceci, parfois, à l’intérieur de la même chanson. Un vrai disque d’intérieur, pour rêver en volutes, danser sur la table, jouer l’andouille, manger des tortillas, faire le sexe ou écraser les cafards à pleines baskets. Beck décline toute responsabilité pour votre intérieur.