Le russe émigré à Berlin délivre une house solaire et joyeuse, aux mille influences. Sans doute la musique électronique la plus politique qu’il nous ait été donné d’entendre depuis longtemps.
Les premiers EP de Philipp Gorbachev, In The Delta et le bien nommé Hero Of Tomorrow, ont donné le coup d’envoi d’un nouveau type de house racée, peut être inspirée par les voitures de course que son champion de père conduisait. Les morceaux, souvent joués live pendant les enregistrements et sur scène, sont directs. La claque de bonne humeur ne se fait pas attendre, les pieds s’élèvent immédiatement du sol et certains titres collent rapidement aux oreilles (voir Last Days Of The District, en référence au District Union, le studio du label) et d’autres nous font croire que les 80’s synthétiques ont eu lieu en Russie (In the Delta). Mais la grande force du Russe ne se révèle qu’après plusieurs écoutes. Les constructions presque pop croisent les rythmes latins, les boucles synthétiques, voire même le folklore slave, et il est fascinant de se rendre compte petit à petit que le bordel apparent est sacrément bien agencé.
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Comme l’indique Philipp à propos du premier extrait de son Silver Album à paraître en juin, on peut voir sa musique comme « un hommage à tous les gens emprisonnés autour du monde, une invitation au voyage et à l’émancipation spirituelle, à l’innovation pour la découverte de sons nouveaux, de nouveaux timing, et de contrôle spatial », et Arrest Me est profondément libérateur. Pour une fois Philipp Gorbachev chante dans sa langue natale, lui qu’on a l’habitude d’entendre en anglais ou en espagnol, et nous livre la première des « neuf fables russes » qui composeront son album. Seuls les russophiles y comprennent quelque chose, ce qui n’empêche personne de se faire attraper par les synthés hymniques. Quant à ses live, on y retrouve la même énergie à la puissance 10.
Le label chilien Cómeme sur lequel est signé Philipp Gorbachev est loin d’être connu pour son engagement politique. Communautaire, solaire et bordélique, Gorbachev y a tout naturellement trouvé sa place. Pour des raisons liées à l’idéologie de Poutine, le producteur a fui son pays d’origine pour émigrer à Berlin il y a quelques années. Avec les autres artistes du label, qui y passent régulièrement, il y a inventé un vivre-ensemble et fait exploser les frontières des genres et des pays. C’est autour de Matias Aguayo, patron polyglotte du label, que tourne toute cette clique. Le chilien est le point de jonction d’artistes aux nationalités diverses (l’Allemand Christian S, le Mexicain Robolledo, les deux Argentins qui forment DJs Pareja, le chilien Alejandro Paz qui seconde Aguayo sur son label, etc.). Plus les années avancent et plus les artistes ont tendance à mettre leur grain de sel dans le travail des autres, donnant à leurs productions une certaine unité sans pour autant gommer les différences individuelles. Les savoureuses Cómeme Compilation en donnent d’ailleurs un très bon aperçu. On n’ira pas jusqu’à y voir un programme politique mais force est de constater que la communauté Comeme laisse rêveur.
Philipp Gorbachev – Silver Album, sortie le 2 juin via Cómeme . En live vendredi 23 mai au Wanderlust, Paris.
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