Chaque jeudi, Les Inrocks vous proposent de découvrir un groupe ou un artiste que vous ne connaissez pas (encore). Cette semaine, Thyla. Fondé entre les murs de l’école de musique de Brighton, le quatuor pourrait bien s’emparer rapidement des charts outre-Manche grâce à ses concerts énergiques et ses refrains XXL.
Sur la route de la gloire, il n’y a plus que ce genre de soucis qui arrive à les ralentir. Et encore, péter une corde arrive à tout le monde. Début février, Thyla lance sa toute première tournée en tant que tête d’affiche dans une petite salle de Manchester. Jusque-là, le groupe a surtout joué à Brighton, plusieurs centaines de kilomètres au sud de l’ancienne cité ouvrière. Suffisant, tout de même, pour titiller la curiosité de plusieurs médias anglo-saxons influents. En tout cas, ce samedi soir mancunien a des airs de grand départ. Mais patatras : la première chanson du quatuor n’est pas encore terminée que Millie Duthie, leur bondissante voix, casse l’une des six cordes de sa guitare. Un contretemps plus qu’un mauvais augure. Après une minute de flottement, où elle récupère tant bien que mal l’instrument d’un des groupes précédents, la jeune femme et ses comparses peuvent reprendre leur opération séduction à grandes embardées.
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« Si je n’étais pas à Brighton, je n’aurais pas écrit cette musique »
Fondé il y a plusieurs années dans la ville balnéaire du sud de l’Angleterre, Thyla fait partie des groupes sur lesquels il faudra très vite compter. Après deux années à sortir des singles fauchés et balbutiants, au son trop eigties pour sortir du lot, la bande s’est affirmée début 2019 sur son premier EP, What’s On Your Mind, publié en février. « A chaque fois que nous écrivons quelque chose de nouveau, tout devient plus clair dans nos têtes sur ce que Thyla doit être », explique par téléphone Millie. Le temps de cinq titres radieux et irrésistibles, le groupe fait revivre à sa façon la brumeuse Angleterre du début des années 1990. Il y a bien quelque part un monde où le bruit flamboyant de Ride a déchiré les charts à la sortie de Vapour Trail. Et s’il existe, Thyla en est le rejeton.
Du côté de notre réalité, tout a commencé pour les quatre musiciens entre les murs de l’école de musique de Brighton, où ils débarquent une fois le bac en poche. « Nous étions chacun dans d’autres groupes avant de finir ensemble, raconte Millie. D’ailleurs, Thyla a eu de nombreuses formes. Tout a vraiment débuté lorsque Mitch, notre guitariste, nous a rejoints il y a deux ans. » Foyer de certains des groupes les plus épatants du royaume (Our Girl ou Dream Wife, par exemple), Brighton est de nos jours un terreau fertile. « Il y a une vraie compétition ici, mais dans le bon sens. Il y a tant de gens talentueux autour que cela oblige à s’améliorer. Je suis certaine que si je n’étais pas à Brighton, je n’aurais pas écrit cette musique. »
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Dans cette scène bondée, le groupe n’aura pas mis longtemps à émerger. Avant même que ne paraisse leur premier EP, le grand site américain Stereogum leur consacrait un long article. C’est-à-dire que pour se faire une place, Thyla ne fait pas forcément dans la subtilité. Sur scène ou en studio, la formation de Brighton n’a pas peur de chanter à fond des refrains XXL, comme sur l’énorme Only Ever. « Pop », le mot fait parfois peur à des groupes à guitares qui craignent naïvement de se compromettre. Ces pudeurs de gazelles, très peu pour Thyla : les chansons des Anglais visent autant les charts que les plus grandes scènes de Glastonbury. Fort heureusement, Millie, Dany, Dan et Mitch restent assez sincères et malins pour éviter l’écueil d’un rock de stade.
« Nous sommes prêts pour être célèbres »
Pour comprendre, il suffit de demander à la chanteuse de 25 ans quelles ont été les influences du groupe : Pixies, My Bloody Valentine, Cocteau Twins mais aussi Joni Mitchell – pas les plus pompiers des compositeurs, donc. « On vient tous d’univers assez différents », complète-t-elle. Avant Thyla, elle composait de son côté des chansons à la guitare acoustique. « Cela bridait ma créativité. Grâce aux garçons, elle a pu prospérer. De mon point de vue, Thyla est le fruit de mon rejet de cette époque. Une manière de dire que ce que je sais faire n’est pas ce que je veux faire.« On retrouve tout de même ce cheminement sur le très beau Better Me, qui clôt l’EP.
Millie Duthie est assez lucide sur le succès qui grandit à chacun des ébouriffants concerts du groupe – leur récent passage au grand barouf texan de South By South West a été encore une fois très remarqué. Plus surprenant chez un jeune groupe, la chanteuse n’a pas peur d’annoncer ses ambitions. « J’espère devenir connu, déclare-t-elle ainsi sans ambages. Je pense que nous avons encore la place pour grandir mais nous sommes prêts pour être célèbres. Nous voulons composer de la musique qui touche de plus en plus de monde. » En dehors de courtes tournées, le quotidien de la jeune femme se résume, pour l’instant, à servir des cafés. « Ce n’est pas ce que nous voulons faire de notre vie, confie-t-elle. Nous avons tous les quatre dû faire des sacrifices pour la musique, alors si nous pouvions nous concentrer dessus à plein temps, ce serait magnifique. » Si elle apprend à changer ses cordes rapidement, il n’y a aucune raison pour que le contraire se produise.
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