Chaque jeudi, Les Inrocks vous proposent de découvrir un groupe ou un artiste que vous ne connaissez pas (encore). Cette semaine, les Londoniens Jockstrap qui s’amusent à embrouiller pour mieux inventer la musique classique du XXIe siècle.
Georgia Ellery et Taylor Skye ont beau avoir à peine 20 ans, cela ne les empêche pas d’avoir trouvé ce que certains cherchent toute leur vie. Les deux Anglais ne se connaissent pourtant pas longtemps, une poignée d’années tout au plus. Suffisant pour créer Jockstrap et son style si singulier. « On voulait que ce soit de la musique électronique, mais sans nous limiter aucune barrière », explique Georgia, la chanteuse, sans trop entrer dans les détails. Le duo, qui a sorti vendredi dernier son second EP, a trouvé la recette d’une musique difficile à qualifier mais immédiatement reconnaissable, quelque part entre la bande originale d’un vieux dessin animé Disney et le punk électronique de Crystal Castles.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
De la musique folklorique au dubstep
Pour Jockstrap, tout commence en 2017. Depuis un an, ils partagent les bancs de l’école de musique londonienne Guildhall Music School. Georgia y étudie le jazz, Taylor la musique électronique. Ils ne se connaissent pas encore très bien mais évoluent dans les mêmes sphères. Pendant ses premiers mois dans la capitale britannique, la jeune étudiante tombe sur certains morceaux de son futur comparse, qui bidouille dans son coin depuis l’adolescence. Jockstrap ne prendra forme qu’une fois l’été suivant achevé. « Pendant les vacances, je suis rentrée chez mes parents, se remémore Georgia. J’ai commencé à écrire quelques chansons au piano. Je savais que Taylor serait parfait pour les produire. »
Difficile, en effet, de trouver plus complémentaires que ces deux-là. Taylor commence la musique grâce au dubstep. Georgia, de son côté, joue du violon depuis ses cinq ans. Orchestre, musiques de chambre ou folklorique sont passés sous son archet. Des univers aisément identifiables chez Jockstrap. Deux salles, deux ambiances : leur premier EP, Love Is The Key To The City, a été enregistré soit dans la chambre de Taylor soit en live par une vingtaine d’instruments à cordes. « Nous sommes dans une école de musique donc nous avons la chance d’avoir sous la main beaucoup d’amis qui sont de très bons musiciens », raconte Georgia. Autre avantage, pas besoin de louer un grand studio, tout peut-être fait sur place.
>> A lire aussi : Groupe à suivre – Double Mixte, les Français préférés de Johnny Jewel
Heureusement, d’ailleurs. « Le matin même de l’enregistrement, trois personnes nous ont fait faux bond. On a pu trouver d’autres musiciens juste en allant au foyer. » Pour la jeune violoniste, cette session est un challenge. « J’avais déjà écrit pour de plus petits groupes de cordes, mais jamais pour tout un orchestre. J’étais très nerveuse. Quand tu as tous les musiciens devant toi et que tu attends pour entendre ce que tu as composé pour la première fois… mon Dieu. »
Blanche Neige dance le gabber
Le résultat est passionnant. Les morceaux de Jockstrap avancent sans réfléchir à ce qu’ils sont, ni trancher entre la musique d’hier et celle de demain. Si Georgia estime que son écriture est assez conventionnelle, ses chansons ne cessent de se pervertir mesure après mesure. Sa voix évoque Blanche Neige, mais dans le classique de l’animation elle ne serait pas la princesse en exil. L’Anglaise a tout de sa sorcière de belle-mère, qui fait le choix de saccager sa beauté pour mieux nuire et empoisonner. Joy démarre ainsi par la jeune femme nageant entre les cordes. Scott Walker à l’âge d’or Hollywood. Puis, sans prendre la peine de prévenir, le titre change du tout au tout, se terminant par cette même voix, trafiquée à l’excès, jusqu’à en perdre son humanité, et qui implore : « Embrasse-moi ! Baise-moi ! Fais ce que tu veux de moi ».
« Cette chanson est un travail collectif, explique-t-elle. A cette époque, nous écoutions beaucoup Kanye West. Taylor a écrit la seconde partie de la chanson avant que je ne compose le début. En l’entendant je me suis dit que ça serait bien si j’ajoutais une première partie. Voilà comment est née la section de corde, au piano, avec en tête Tchaïkovski, le dernier mouvement de sa Symphonie n°6. » Pas plus compliqué que ça. Jockstrap tente beaucoup et réussit souvent, quand bien même cela signifie fracasser la bossa-nova avec le dubstep.
>> A lire aussi : Groupe à suivre – Sorry résume déjà à la perfection le rock anglais de 2019
Depuis la sortie de leur premier EP, les deux étudiants ne se sont pas reposés sur leur début de succès – ils ont ainsi été validés par Damon Albarn et son Africa Express. Taylor a dévoilé il y a quelques semaines une chanson en solo, ne déviant pas du sillage entamé avec sa complice. A deux, ils ont aussi publié vendredi dernier Lost My Key in the <3 Club <3, faux nouvel EP « un peu barge », selon les mots de Georgia. Il est constitué des chansons de son prédécesseur remixées entièrement par Taylor, avec autant de clips réalisés avec les moyens du bord par la chanteuse. Les deux gosses s’y amusent beaucoup. En quatre morceaux, le producteur triture disco, rave et gabber, entre autres choses. Plus que pour une simple blague, Taylor les maltraite jusqu’à l’absurde, pour les pervertir toujours davantage, comme sa relecture dans la noirceur d’Hayley, meilleur moment du disque. « Fais ce que tu veux de moi » ? Message reçu.
>> A lire aussi : Groupe à Suivre – Les tubes de Thyla risquent de tout emporter
{"type":"Banniere-Basse"}