Chaque jeudi, Les Inrocks vous proposent de découvrir un groupe ou un artiste que vous ne connaissez pas (encore). Cette semaine, on vous parle de FEET, groupe à guitares de Coventry, parti à l’assaut du monde entier (même s’il ne le sait pas encore).
« Ça ressemble à du rhum, mais c’est du whisky. Bois un coup si tu veux ! » Sympas, les mecs de FEET. On est entassé dans le van du groupe, garé au bord d’une des artères les plus passantes de la ville de Groningen, au nord des Pays-bas, à quelques encablures seulement de la frontière allemande. Ben, le batteur, nous tend la bouteille, on hésite une fraction de seconde à l’attraper au goulot. Au milieu des cadavres de bière et des paquets de chips éventrés, une bande de kids. Moyenne d’âge : 21 ans. Le moment ou jamais de partir jouer aux Etats-Unis et de faire la tournée des bars.
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English Weather
Tout ce petit monde s’est rencontré sur les bancs de l’Université de Coventry, dans le comté des Midlands de l’Ouest, là où se sont formés les Specials. Composé de George au chant, Oli à la basse, Ben à la batterie, et Harry et Callum aux guitares, on aurait du mal à décrire FEET aussi bien que le groupe ne le fait lui-même sur sa page Bandcamp : « FEET est un rassemblement de bras cassés, nous faisons aussi bien des vidéos stupides que de la musique. Achetez des trucs au merch si vous avez de l’argent, sinon dépensez-le au pub« . Leur dernier titre, English Weather, est un petit tube de britpop un peu foutraque porté par la voix gouailleuse de George, qui laisse traîner la dernière syllabe de « weather », comme Liam Gallagher rallonge les « shiiiiiiine » de « sunshine« .
Petty Thieving et Macho Macho, les deux premiers morceaux du groupe d’inspiration plus post-punk, réunis sur un seul maxi, sont sortis en 2017 chez Yala! Records, le label de Felix White, batteur des Maccabees. FEET passe même au crible des Yala Sessions à l’époque, tout comme des formations plus ou moins établis comme Idles, Our Girl, ou ces génies de Yak. Une bonne expérience, pour un groupe qui se cherche encore et dont la monture finale n’est pas calée : « le groupe d’aujourd’hui est un mélange d’anciens membres et de membres plus récents », confie George. « Ben, par exemple, vient d’arriver », renchérit Oli.
Le batteur blond, dégaine de protagoniste d’un clip des Arctic Monkeys période Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not, acquiesce : « on est en janvier et je suis arrivé dans le groupe en octobre. Avant je jouais avec les Dead Pretties, mais le groupe s’est séparé. FEET cherchait un batteur et je les ai rejoints« . Ben n’est pas de Coventry, il vient d’un bled au nord de Londres à la réputation plutôt mauvaise : « c’est juste à côté de la ville qui enregistre le taux le plus élevé de grossesses précoces chez les teenagers« , se marre-t-il. Oli en rajoute une couche en disant que le taux a baissé depuis que Ben a quitté la ville.
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« Coventry, c’est un trou. Si t’aimes les kebabs dégueulasses et les bâtiments gris, alors cet endroit est fait pour toi« , lâche Callum. Harry rajoute qu’à part quelques groupes qui font du grime, une poignée de DJs et deux, trois clubs, il n’y a pas vraiment de quoi faire une vraie scène musicale là-bas. Il faudrait y faire un tour pour en avoir le coeur net, mais quoiqu’il en soit FEET ne fera jamais partie de ses groupes qui revendiquent l’appartenance à leur hometown sur scène, le poing levé comme un Black Panther. Ils ont d’ailleurs filé au bord de la mer pour bosser sur leur premier album, du côté de Portsmouth. Et Ben n’a même jamais eu l’occasion de foutre les pieds à Coventry.
« Je ne veux plus jamais travailler chez Wagamama de ma vie »
Le disque est écrit, six morceaux sont enregistrés, six autres devraient être rapidement mis en boîte (si ce n’est déjà fait). Le bagage de références de FEET est un gros bordel. Les Arctic Monkeys et, surtout, les Strokes, semblent être pour eux les derniers grands groupes à guitare. George évoque aussi Eagles et un récent documentaire sur la clique du grand Hotel California. « On est un groupe de guitare », affirme-t-il, avant que les autres ne viennent brouiller les pistes : « groove music ! pop music ! anti-political music !« , les définitions fusent.
Pas politique ? Mais tout est politique ! Ben reconnait qu’avec toutes ces histoires de Brexit organiser une tournée va devenir plus complexe, tandis qu’Oli s’étale davantage sur le climat actuel qui règne en Grande-Bretagne. « On n’a pas trop envie de s’exprimer parce qu’on n’y connait rien. Tout ce qui se passe en Angleterre nous fait flipper, mais on préfère se concentrer sur ce qu’on sait faire et faire de notre mieux. » George évoque Shame, FONTAINES D.C. et toute cette nouvelle vague de groupes à la charge contestataire qui s’impose de plus en plus dans le paysage musical actuel : « j’essaye de rester éloigné de la politique, particulièrement dans mes textes. Eux, font beaucoup mieux que nous dans ce domaine ».
Derrière l’attitude slacker et le thème du hot dog, qui semble beaucoup intéresser George, se dessine en filigrane une contestation plus forte du modèle de vie promis aux jeunes kids de l’Angleterre post-Brexit ; le genre qui a vu naître la poésie des Buzzcocks, la rudesse de Clash et la folie des Happy Mondays sous l’ère Thatcher : « on a fait de la musique parce qu’on avait peur de devoir trouver un vrai job« , confie Cullum. « Le plan n’a jamais été de vivre comme on vit dans le vrai monde, rajoute George. Je ne veux plus jamais travailler chez Wagamama [chaîne de restos asiatiques en Grande-Bretagne, ndlr.] de ma vie.« Le van comme seul foyer.
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