Transfuge du label L.I.E.S, le new-yorkais d’adoption Delroy Edwards livre depuis plus d’un an une house intoxicante aux vapeurs vénéneuses.
Originaire de Los Angeles, le jeune beatmaker Delroy Edwards déménage à 18 ans à New-York puis s’acoquine avec Ron Morelli, futur boss du label L.I.E.S (Long Island Electrical Systems). Les deux travaillent ensemble à A1 Records, légendaire shop de l’East village, puis Morelli fonde son propre label, lequel s’applique depuis à livrer à un rythme régulier une house music à la saleté et à la crasse salutaires, en ces temps littéralement obsédés par un rapport hygiéniste au son.
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Aujourd’hui, le label est l’un des plus en vue du moment, son approche DIY et punk représentant un véritable bol d’air frais libérateur. Mais si les vapeurs et l’influence de la maison de disques dépassent aujourd’hui les seules frontières de la sphère electro, on ne peut pas en dire autant de ses artistes, qui évoluent tous plus ou moins dans une confidentialité revendiquée. Exception faite de quelques-uns, dont Delroy Edwards, donc.
http://youtu.be/4a1Qw4jQqrM
Courant 2012, c’est l’EP 4 Club Use Only qui met d’abord le feu aux poudres. Unanimement acclamé par la critique, ce coup d’essai est caractéristique du son L.I.E.S : sale, hypnotique et exsudant l’aliénation urbaine, la chanson-titre est un tube à elle-seule. Vissée au dancefloor, viciée dans les intentions, c’est une vraie bombe à retardement qui se déploie sur la longueur, en des volutes enfiévrées, répétitives et intoxicantes. Depuis, l’enthousiasme quant à son travail n’est allé qu’en grandissant, bien que le gars ne s’applique à lâcher des mixtapes qu’au compte-goutte. Cultivant le mystère et choisissant de faire profil bas, Delroy Edwards possède, comme nombre de ses comparses chez L.I.E.S, une approche de la musique volontairement effacée et minimaliste. Grand escogriffe sur pattes, il délivre ses Boiler Room avec une folie guerrière :
De prime abord, le son qu’il propose est clairement identifiable à de la house, mais si le poison se répand de manière aussi insidieuse, c’est qu’en grattant bien, on peut trouver d’autres éléments sous la surface –brute : influences eighties empruntant aussi bien aux sonorités industrielles de groupes comme Psychic TV qu’à l’acid-house des origines en passant par les travaux de Angelo Badalementi (collaborateur de David Lynch), sa musique s’appréhende de facto de manière rugueuse et à l’état sauvage. Il y a quelques semaines, Edwards sortait d’ailleurs un 12″ baptisé Teenage Tapes qu’il décrivait lui-même comme « no-wave ». L’utilisation de ce qualificatif n’est d’ailleurs pas anodine dans la musique du garçon. Même s’il vit dorénavant à Los Angeles, il y a définitivement un sentiment et une infusion toutes new-yorkaises dans ses sonorités, et tout particulièrement dans ces Teenage Tapes, assemblage de formes libres aux relents synthétiques et post-punk bienvenus :
Plus récemment encore, Edwards sortait un nouvel EP sous le nom de DJ Punisher, avec d’autres invectives. S’attaquant cette fois-ci à une musique faite de bruit blanc, s’aventurant du côté radical de la techno la plus sombre et la plus noise possible, cette trouée extrême contenait, comme pour la précédente livraison, des morceaux dépourvus de titres. Une manière de préserver une certaine forme de confidentialité, ou d’illustrer le caractère définitivement non poli d’une musique âcre et sur laquelle chacun est libre d’y poser ses dispositions ? Quoi qu’il en soit, Delroy Edwards, artiste passionnant aux intentions protéiformes et absolues, n’a pas fini d’exercer sur nous son emprise vénéneuse.
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