Chaque jeudi, Les Inrocks vous proposent de découvrir un groupe ou un artiste que vous ne connaissez pas (encore). Cette semaine, Zombie-Chang. Inspirée par le punk et la pop française, la Japonaise explose les barrières des genres avec une sincérité désarmante.
« Plus jeune, j’étais très révoltée. Au collège par exemple, ils mettaient de la musique j-pop pendant la pause déjeuner et je n’aimais pas ça du tout. Dans les collèges, il y a des clubs de littérature, de théâtre. Alors moi je suis entré dans le club de radio et j’ai jeté tous les disques de j-pop avant de me faire engueuler (rires). » Quelques heures avant son concert à la Magnifique Society (Reims) en juin dernier, c’est au détour de cette anecdote malicieusement distillée que l’on est introduit à Meirin, tête pensante derrière le projet Zombie-Chang. A mesure qu’elle se remémore, hilare, ses années collège, son caractère bien trempé et son espièglerie affleurent. Un esprit de révolte doublé d’une volonté de n’en faire qu’à sa tête qui transpire sur son dernier disque paru en 2018, PETIT PETIT PETIT, un petit précis de pop mâtinée de punk et d’electro.
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Révolte intérieure
Très tôt, Meirin s’écarte de la j-pop à mesure qu’elle se rapproche des musiques à guitares : « C’est ma mère qui m’emmenait chez le disquaire. Le premier disque que j’ai acheté moi-même, c’était Chuck Berry. Je suis tombée amoureuse du son de sa guitare, par la suite, je suis tombée sur les Ramones et c’est comme ça que j’ai découvert le punk. » Une trajectoire somme toute classique pour tout adolescent se passionnant pour le rock et le punk mais dont la philosophie continue d’influencer grandement l’auteur-compositrice-interprète japonaise dans ses choix artistiques.
Chanteuse folk un temps, elle décide de tout plaquer pour créer Zombie-Chang, un projet au départ largement dominé par l’électro baignant dans une esthétique lo-fi : « Du jour au lendemain je me suis dit : ‘ça me fait chier, je n’ai pas envie de continuer comme ça.’ Avec Zombie-Chang, j’avais envie de casser le projet précédent et de tenter quelque chose de complètement différent. » Abhorrant les dénominations que l’industrie voudrait lui coller, Meirin tient l’immobilisme artistique en horreur : elle est désormais accompagnée d’un groupe, en partie parce qu’elle était considérée à tort comme une rappeuse à cause de son live en one-woman band, et nous fait ravaler toute tentative de catégorisation : « En fait, si on me colle une étiquette, je vais me révolter et tout faire pour m’en débarrasser (rires). »
Une j-pop alternative ?
Inspirée par les démarches de Sexy Sushi, La Femme ou Salut C’est Cool, la jeune femme propose un chemin alternatif pour la musique mainstream nippone : « Je ne suis pas contre la sur-production de la j-pop. Je pense seulement que dans la j-pop on peut aller plus loin et ouvrir les esprits, d’aller vers le lo-fi, des choses un peu plus brutes. Ce que j’aimerais c’est franchir, casser cette barrière de la musique indé. » Rendre perméable la frontière entre mainstream et underground c’est tout l’enjeu de cette musique empilant les refrains pop avec une facilité déconcertante (Mona Lisa, Iziwaru Bakari Shinaide) tout en mutualisant des influences électroniques, indie-rock ou anti-folk (Ai No Seide). D’ailleurs, quand on effleure l’idée d’une filiation entre Sexy Sushi et son morceau We Should Kiss, elle loue les sonorités des échantillonneurs dans la musique française. Tandis que lorsqu’elle entend le nom des Moldy Peaches, elle hoche frénétiquement la tête et témoigne de son amour pour Adam Green et Kimya Dawson avant même que sa traductrice lui fasse parvenir la question. Pour autant, Zombie-Chang a mis un certain temps avant de revenir à ces premières influences. Sur PETIT PETIT PETIT, la musique électronique ne fait plus chambre à part avec le folk et l’indie-rock : « Sur le nouveau disque, je me suis dit que je pouvais me réconcilier avec ce que je faisais avant. C’était deux univers complètement opposés que j’essayais de remettre ensemble. En fait c’est comme continuer à voir ses parents de temps en temps après être parti de la maison », explique-t-elle tout sourire.
Cultiver sa différence
« Quand j’étais petite, j’apprenais l’anglais à l’école et j’enregistrais la voix de ma prof sur cassette. Ensuite, j’enregistrais ma voix par-dessus, je parlais juste, il n’y avait pas de musique mais je pense que c’est dans la continuité de ce jeu que j’ai développé ma musique. » Avec une candeur non dissimulée, Meirin évoque ce souvenir qui résonne aujourd’hui comme une assertion sur l’esthétique de Zombie-Chang. Nécessairement lo-fi, la japonaise entend aussi trancher avec la littéralité des textes de ses contemporains : « Les groupes de j-pop parlent beaucoup d’émotions de manière très précise, très détaillée et c’est trop compliqué pour moi. Je n’arrive pas à m’identifier à ces textes. Ce que je cherche c’est une manière d’exprimer ce que je ressens. Par exemple, j’ai choisi le nom de Zombie-Chang pour la phonétique et quand j’écris j’aime l’idée de voir de voir les sonorités d’une certaine manière. »
De la gamine tenant des carnets de notes impeccables à l’école pour la beauté du geste à l’artiste qui confectionne elle-même ses pochettes de disques en plus de produire toute sa musique, en passant par la festivalière qui s’ennuie ferme devant les interprètes qui chantent « hyper bien », Zombie-Chang s’impose comme une artiste entière et inextinguible dont on espère que la discographie profitera de la même luxuriance.
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