Avec une neo soul reconnaissable entre mille, des influences anglo-saxonnes clairement revendiquées et un entourage prestigieux, Yvan et Alban Murenzi, nés au Rwanda mais basés à Bruxelles depuis une quinzaine d’années, font de leur nouvel EP l’atout charme de ce début d’année.
Les jeunes élèves le savent : pour exister, mieux vaut rafler les trophées. Pour Yvan et Alban, cela s’est passé en 2014, lors du RedBull Elektropedia de Bruxelles. Ce soir-là, les frangins repartent de la cérémonie avec le prix de l’“Artiste le plus prometteur”. Anecdotique ? Quand on sait l’intérêt porté à cette cérémonie par les gars de L’Or Du Commun lorsqu’on les rencontrait il y a deux ans, sans doute. Mais pour la fratrie Murenzi, ce prix a valeur de reconnaissance : cela ne fait qu’un an qu’ils composent réellement ensemble, assistés par Le Motel, et voilà que le gotha de l’industrie musicale belge les couronne.
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Mieux : quatre ans plus tard, cette récompense leur ouvre probablement les portes des studios berlinois de Red Bull, où ils enregistrent leur dernier EP, Goldress. Tous frais payés : “Ça été un véritable luxe, avec un ingénieur du son à notre disposition à chaque instant, se réjouit encore Yvan, l’aîné de la famille. On n’aurait jamais pu se payer de telles sessions si Red Bull n’avait pas soutenu le projet.”
From Brussels with love
De Berlin, les deux frères disent ne se souvenir de rien, “trop occupés à enregistrer avec des sessions qui duraient parfois jusqu’à deux ou trois heures du matin.” Nul doute qu’ils y retourneront. Pour donner un concert ou promouvoir une de leurs prochaines sorties. Après tout, les feux sont actuellement au vert pour Yvan et Alban, en passe de s’adonner presque essentiellement à leur musique. Ils font encore quelques petits boulots, principalement parce qu’il faut bien boucler les fins de mois, mais ils sentent bien qu’ils touchent du doigt leur rêve. “Quand on a commencé, précise Yvan, on composait simplement par passion, sans se poser la question de ce qu’on ferait plus tard. On a fini nos études, moi en graphisme et Alban en comptabilité, et on a profité des opportunités qui se présentaient à nous par la suite.”
Des opportunités, il y en a eu un certain nombre depuis 2013, comme ce remix de Mirror Lake par LeFtO, véritable légende de la musique à Bruxelles, ces clips réalisés avec François Dubois (L’Or du Commun, Roméo Elvis, Alpha Wann, etc.), cette session Colors donnée l’année dernière ou encore cette reprise d’Out Getting Ribs de King Krule. Alban : “Quand on a commencé à composer, ça a été une très grosse influence, aussi bien dans le texte que dans l’approche mélodique. Il ne fait que des trucs improbables, jamais tentés auparavant et développe un vrai univers.” Sur ce point, YellowStraps n’a pas à rougir : sensuelle et profondément confortable pour qui aime se lover dans une neo soul au groove sensible, leur proposition mélodique sonne tout sauf conventionnelle en francophonie, comme si elle s’agissait de résister tendrement à toute forme de sédentarité et d’esthétique trop définie. Un choix visiblement assumé : “On a toujours cherché à proposer quelque chose d’inédit, à mélanger des tas de sons différents et à collaborer avec différents artistes pour s’enrichir de leur expérience.”
Créer de l’inédit
Lorsqu’ils prononcent ces mots, d’une même voix, Yvan et Alban n’affichent ni prétention, ni excès de confiance. C’est leur ambition, voilà tout. Et Goldress l’illustre intelligemment : tout, dans ces huit titres, semble méticuleusement pensé. “On est convaincus qu’un détail peut tout changer, que le fait d’ajouter deux dB sur une piste peu susciter nettement plus d’émotion”, précise Alban. Et Yvan d’enchérir : “Pour les paroles et les placements de voix, c’est pareil : ça se joue au millimètre. On réenregistre ce que l’on fait en permanence.”
Contrairement au projet précédent (Mellow, enregistré en trio avec Le Motel), le propos se veut ici plus lumineux. “Après la sortie de Blame en 2018, il y a eu beaucoup de remises en cause, rembobine Yvan. Je traversais une rupture et je manquais de goût pour la musique. Goldress continue de parler de cette histoire, mais l’atmosphère est plus positive. Plus rythmée également. J’ai compris qu’il y avait moyen de trouver la relation rêvée, d’où la lueur d’espoir qui parsème l’EP.” D’après Alban, ce ne serait pas la seule différence avec les productions précédentes : “Goldress est également davantage pensé pour le live, que ce soit en termes de dynamique ou de rythmique. On a rajouté des bridges, travaillé davantage les toplines, ce genre de choses.”
Sur cet EP, on retrouve une nouvelle fois Le Motel, mais également Victor Defoort et Vynk, trois artistes particulièrement actifs en Belgique et relativement proches de Roméo Elvis. Ce qui incite Yvan à conclure l’entretien sur une plaisanterie : “Quand on y pense, Roméo nous a tout piqué… Il va falloir qu’on lui demande des pourcentages sur ses ventes.”
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