Les gamins du Yorkshire débarqueront sur la scène de la Gaîté Lyrique le vendredi 6 mars, dans le cadre des Inrocks Festival. Nous les avions rencontrés.
Les maisons en briques du nord de l’Angleterre font moins rêver que les pavillons de bord de plage de Brighton, et pourtant, si on s’accoutume au parquet collant imbibé de bière des pubs du Yorkshire, on se laisserait vite emporter par le rythme de la scène musicale, qui se défend très bien. Working Men’s Club est un groupe de jeunes musiciens qui aiment tout simplement faire de la musique, et la partager. Sydney Minsky-Sargeant, leader des WMC, est le cadet de la bande : à seulement 18 ans, il écrit et compose les morceaux qu’il interprète sur le devant de la scène – parfois même dans le public.
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« J’ai l’impression qu’au nord, il y a cette intention de faire renaître la Britpop »
La bande a sorti deux singles : le post-punk très rétro Bad Blood/Suburban Heights, et le plus moderne Teeth, au ton bien énervé. Syd a une idée très précise de ce qu’est la musique dans les deux hémisphères de l’Angleterre : « D’une certaine manière, les groupes du nord doivent travailler encore plus dur, puisque la majorité de l’industrie musicale est basée au sud. Mais j’ai l’impression qu’au nord, il y a cette intention de faire renaître la Britpop, ce qu’il s’est passé dans les années 90 avec une veine psychédélique. Ça ne m’intéresse pas. » Le groupe a conscience de l’envie des autres de les comparer pour situer leur genre, mais il soutient leur authenticité.
C’est effectivement le danger des jeunes groupes de Manchester : réutiliser ce qui a toujours marché, dans l’espoir de se faire accepter. Working Men’s Club fait de la musique « pour faire de la musique« , et ne se voit pas faire autre chose. L’évidence, quand elle est ancrée, ne se justifie par rien d’autre qu’elle-même.
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« J’écris simplement ce que je pense et ce que je ressens »
Puisque les membres du groupe gravitent autour de Manchester, Working Men’s Club a l’habitude d’être comparé à Joy Division – ce qui ne les dérange pas, mais Syd insiste : « J’ai toujours joué mes propres morceaux, sans l’intention de ressembler à d’autres. Je fais ce que j’aime, et c’est tout. »
Hormis l’emplacement géographique, il est un point commun notable cependant entre les kids de WMC et la bande à Ian Curtis : leur musique est personnelle et sombre.
Et alors ? « [Dans mes paroles], je pense à des choses plus puissantes que les mots. Je pose des émotions. Je pense que les textes sont très importants, et ça me fait rire de voir des gens essayer d’analyser et de s’immiscer dans ce que je dis. Je trouve ça presque offensant, qu’ils veuillent donner un sens à ma chanson. Moi-même, je ne sais pas ce que la plupart de mes paroles veulent dire. J’écris simplement ce que je pense et ce que je ressens.«
Il n’y a pas de message, chez Working Men’s Club, il y a un état d’esprit. Syd refuse de véhiculer une idée arrêtée, et bien qu’il admette des opinions et des positions politiques de temps à autre, il préfère ne pas prêter attention à ce qu’en font les autres : « Je ne pense pas que mes idées devraient forcer la porte de l’esprit des gens, je ne pense pas que l’on devrait dire ‘je pense ainsi, et tu devrais penser pareil que moi.’ »
C’est peut-être finalement la grande différence entre le sud et le nord du pays : les uns connaissent la forte probabilité qu’une maison de disques vienne les voir aux concerts londoniens, les autres ne se font même pas d’espoir. Plus d’honnêteté, plus d’envie de se battre, c’est ce que Syd considère être le point fort de la scène musicale du nord de l’Angleterre.
« Le Brexit l’a emporté, et ça n’aurait jamais dû arriver »
Sur le territoire anglais, on a compris. Mais qu’en est-il de l’Angleterre qui vient en Europe, maintenant que le Brexit fait peser une menace – à quand ? Personne ne le sait, mais le climat, depuis le vote remain/exit de 2016, a tout de même changé. Working Men’s Club considère que le Brexit est « une connerie, qui n’aurait jamais dû arriver. Je [Syd] ne pense pas que le Brexit est représentatif du peuple anglais, mais de ce qui a mal tourné. Le Brexit l’a emporté, et ça n’aurait jamais dû arriver. Mais j’espère vraiment pouvoir continuer à me produire en Europe, tant que je le pourrai. C’est donnant-donnant : j’ose espérer que l’Angleterre ne rejettera pas les groupes français qui viendront jouer dans notre pays.«
Ce serait une perte évidemment, que de freiner le foisonnement perpétuel de jeunes groupes britanniques en laissant des barrières invisibles l’emporter sur la découverte musicale. Working Men’s Club a tant à partager : du rock, du punk, de l’électro, un mal-être qui se transmet dans des rythmes effrénés qui aident à se déchaîner. Bref, Working Men’s Club, ça fait du bien.
D’ailleurs, on l’a remarqué au Supersonic le 16 novembre, lorsqu’ils ont enflammé la salle du 12ème arrondissement de Paris. Actuellement, le groupe est de retour au Royaume-Uni, pour assurer les premières parties de Mac DeMarco et Fat White Family, entre autres concerts à eux, car ils s’inscrivent de plus en plus dans la cour des grands, et assurent leurs propres shows.
Ep : Bad Blood / Suburban Heights et Single Teeth (Heavenly Records/PIAS)
Les Inrocks Festival : du 5 au 7 mars 2020, à la Gaîté Lyrique (Paris III) – toutes les infos ici !
Working Men’s Club jouera le vendredi 6 mars, aux côtés de Warmduscher, MNNQNS et quinzequnze – le lien vers la billeterie est ici.
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