Doldrums et deux Hooded Fang ont des accointances avec la mythologie grecque : leur projet commun s’appelle Phèdre et promet, assez logiquement, des beautés empoisonnées et des amours cramés par le soleil. Nouveau disque à la rentrée.
« Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur » : la célèbre phrase, tirée du Phèdre de Racine, pourrait traduire sentimentalement la découverte de Phèdre, le groupe. L’année dernière, In Decay perle sur la toile. Quelques accords de piano, un groove et un psychédélisme tous doux, une belle voix, ronde et chaude, minée par quelques braillements hallucinés et quelques murmures taquins : comme une version idéale d’Ariel Pink, croisée au fantasme Motown, le morceau laissait comme une impression d’évidence. In Decay ressemblait (et ressemble toujours, d’ailleurs) à la pop-song absolument parfaite.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Mais In Decay était un piège, une fausse route, un amour impossible. Phèdre est une tragédie. Sur le reste d’un mini-album à retrouver sous ce lien, c’en était déjà finit des évidences, des rêves faciles, des situations confortables. Dans les bien nommés Tragique, Cold Sunday ou encore Dreams, le psychédélisme s’assombrissait, et on comprenait, dans un léger vertige, que Phèdre était le genre de romances à la paix précaire, à la passion violente, à la bipolarité latente – un amour innocent dont on découvre doucement les démons. Ce premier single n’était donc qu’un guet-apens pour nous attirer vers les torsions, les tortures, les tourments d’expérimentations sans pitié.
On oublierait presque de vous prévenir : les membres de Phèdre sont des spécialistes de la pop un peu schizo. Entre sucreries de façade et lames de rasoir cachées dans la praline, on suit depuis un moment déjà April Aliermo, Daniel Lee et Airick Woodhead. Et pour cause : les deux premiers sont les piliers de Hooded Fang, et le dernier n’est autre que ce foufou de Doldrums. La belle affaire ! Avant même sa création, Phèdre se plaçait donc parmi les Canadiens les plus balèzes du moment et, maintenant que le projet est lancé, vise carrément l’Olympe de la pop empoisonnée : plus on écoute Phèdre, plus on pense à Animal Collective, à MGMT, à Of Montreal.
In Decay n’était vraiment qu’un tendre appât. De l’autre côté du miroir, Phèdre avance à tâtons, la tête en bas. Dans leurs récents morceaux, lâchés un peu en vrac sur l’Internet (genre par-ici et par-là), les ambiances se font chaque fois plus cotonneuses, plus profondes, plus opiacées. Et puis, il y a quelques jours, on tombe sur la vidéo ci-dessous. Celle-ci annonce une nouvelle sortie pour la rentrée, alors même que Doldrums et Hooded Fang viennent de sortir un album chacun. On y découvre des sons tropicaux et puissants, et un univers visuel au tribalisme intriguant… Dans la mythologie grecque, Phèdre est la petite fille d’Hélios, la personnification du Soleil. On n’a encore rien vu de ces brillants Canadiens : c’est l’éblouissement.
{"type":"Banniere-Basse"}