Chaque jeudi, “Les Inrocks” vous proposent de découvrir un groupe ou un artiste que vous ne connaissez pas (encore). Cette semaine, Normcore, quatre branleurs qui n’ont pas peur de citer Blink-182 parmi leurs influences.
Le plus étrange avec Normcore, c’est, finalement, qu’aucun d’entre eux ne sait faire de skate. En écoutant Six Pack, leur dernier EP sorti au printemps, on les avait imaginés comme une bande de préados, à s’abîmer le bout des doigts sur une manette de PS2, le CD de Tony Hawk Pro Skater qui tourne dans la console. Sex Pistols, Ramones, AC/DC, The Offspring et leur Californie… grâce à la planche à roulettes le jeu vidéo se trouvait une B.O. qui déchire. C’était le début des années 2000, les conneries de Jackass rythmaient les journées de MTV et dans la tête de beaucoup de gamins de 14 ans, le cadavre de Kurt Cobain était encore tiède, quand bien même ce dernier était mort depuis bientôt une décennie.
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L’amour du fuzz et des mélodies
“Quand on était gosses, on avait des goûts mainstream”, confesse Xavier Turlot, le chanteur du groupe français. “Dans les retours qu’on a pu avoir sur l’EP, on nous parle beaucoup de Pavement, des Pixies… On n’a pas vraiment ces références-là, emboîte Baptiste Elman, le batteur. Notre culture, on se l’est faite quand on était jeunes avec des groupes de la fin des années 1990 plus récréatifs. Le skate punk californien, Blink-182…” Entre ces deux musiciens, aujourd’hui trentenaires, tout commence l’année d’Enema Of The State, en 1999, mais à Pau, en cours de LV1-Allemand. “Pendant un an, on ne s’est pas adressé une seule fois la parole, rigole aujourd’hui Baptiste. Je le trouvais chelou et je pense qu’il me trouvait bizarre aussi.”
Au tournant du millénaire, le « retour du rock » peine à faire le chemin jusqu’au Béarn. “On était isolé”, poursuit le batteur, évoquant un monde où le téléchargement illégal balbutiait. L’adolescence est alors rythmée par la radio, les clips à la télé et la discographie de leurs parents. D’ailleurs, quand les deux montent un premier groupe il sonne comme “un hybride entre les Rolling Stones et les Red Hot”. Drôle de rencontre. Quinze ans et un déménagement à Paris plus tard, ils nommeront le premier EP de Normcore Magic Johnny, en hommage à John Frusciante, le mythique guitariste des Californiens.
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Cette collection de chansons, parue en 2015, comme celle qui l’a suivie (Neighbors, 2017), montrait un groupe pas tout à fait sûr de ses forces même si quelques mélodies mémorables se cachaient dans le fatras (Morning Thoughts, The Plane, Heatless Man). Encore fallait-il dégrossir : les compositions des Français se perdaient en d’inutiles circonvolutions instrumentales. Des passages presque anachroniques. “On avait des morceaux à tiroirs qui n’avaient absolument aucun sens pour ceux qui écoutaient, analyse Baptiste. On avait de la créativité mais c’était mal ficelé.” “Beaucoup nous disaient que notre musique n’était pas lisible, complète François-Xavier Lafoix, second chanteur de la bande. Alors on a voulu quelque chose de plus épuré. Naturellement, on s’est tourné vers un son un peu plus nineties.”
Grand bien leur en a pris. Six Pack présente Normcore en produit fini. Six chansons qui ne se posent pas de questions et dépassent rarement les trois minutes trente. Le groupe bénéficie de la science du son d’Henri D’Armancourt, déjà à la production des derniers disques de Psychotic Monks et Troy Von Balthazar. Malgré leurs sacrés airs de glandeurs, les quatre garçons ne se complaisent pas dans la caricature du slacker un peu dilettante, un peu lo-fi. Au contraire, leur disque n’est jamais avare en chœur, multiplie les guitares. Sur Daddy on aurait presque affaire à une version grunge d’Arcade Fire. Le rock hexagonal souffre parfois trop de ne pas s’assumer, nouant une grosse pierre au pied de ses mélodies avant de les balancer au fond d’un puit. Ici, le chant est le moteur de plusieurs tubes, le bide plein de hot-dogs, la casquette jamais loin – de la fausse ballade Calypsa à l’obsessionnel One Track Mind.
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La musique de Normcore a un aspect doudou certain. “On joue sur ce côté mémoire affective des années collèges”, reconnaît François-Xavier. Pourtant, derrière les blagues potaches et régressives se dessine une réalité un peu plus dure : la boisson faute de meilleures perspectives (Buddy Bud), la jeunesse qui se tarit (Daddy, Back Row Kids) ou même la misère sexuelle et émotionnelle (Calypsa). Leur EP esquisse ainsi les désillusions de quatre types, presque tous des diplômés en économie ou d’école de commerce, qui, passés 25 ans, se rendent compte que la vie qu’on leur a vendue n’est pas celle qui leur convient. “My Buddy Budweiser, tu seras mon ami pour toujours”, beuglent-ils en chœur sur le premier morceau, histoire de rappeler, le pack de bières sous le bras, que contre la gueule de bois, le mieux reste encore de combattre le mal par le mal.
Ils seront en concert le 25 septembre à l’International (Paris XIe), avec WonderFlu et YoungerSON
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