Le duo français, qui semble cultiver un certain goût du secret, a récemment sorti un très bel album, “Road To Nowhere”, qui s’extrait de beaucoup de codes de la musique électronique.
“J’ai trouvé la définition du Beau, de mon Beau. C’est quelque chose d’ardent et de triste.” Cette citation de Baudelaire (ajoutée à sa fameuse phrase “Le beau est toujours bizarre”) pourrait tout à fait s’appliquer à la musique des Français de Kas : st, qui viennent de sortir leur premier album il y a quelques semaines. Intitulée Road To Nowhere, cette collection de chansons montre effectivement que le duo est capable de passer de la plus glaciale des froideurs à la plus belle des mélodies en quelques secondes, oscillant entre des plages de synthés mélancoliques et des rythmes brutaux, ou parfois l’inverse.
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“Hell On Earth” : un des meilleurs clips de l’année ?
Si on avait déjà découvert leur musique via l’excellente chaîne Youtube Hate, il est à ce titre impossible de passer à côté de Hell On Earth, qui nous a fait plonger tête la première dans les nappes brisées du duo. D’abord, il y a bien entendu la chanson : ce synthé acide, ces plages arctiques, ce beat ultrarapide, ces voix qui pourraient être tirées d’un péplum, mêlées à celle d’un homme qui hurle “I’m A Human Being”.
Bon, et puis il y a le clip, tourné par Louis Herbeuval. Ce dernier y raconte l’histoire d’un groupe de potes poussés à faire un braquage pour continuer à se shooter, à danser et à oublier le monde face à des distributeurs de banque mutiques. La vidéo est complètement immanquable, et même s’il est en général bien plus intéressant de se concentrer sur l’esthétique pure que sur l’aspect social des œuvres, elle illustre quand même à merveille l’état de violence silencieuse dans lequel se trouve plongée une bonne partie de notre société.
Hors des cases
Au-delà de l’aspect visuel (ils ont aussi le bon goût de faire illustrer certaines de leurs pochettes par l’illustratrice Léna Mačka), l’album montre également que la musique de Kas : st s’affranchit complètement des limites imposées par une quelconque classification. Sans rentrer à fond dans les détails, la principale ligne directrice du duo reste la techno depuis ses débuts, mais les deux garçons n’ont de cesse de briser leurs rythmes, offrant ainsi à leurs chansons un relief quasi witch house (sur le break d’Insomnia), jungle, (Astral Talk), ambiant, trance, hardcore ou parfois même néo-classique. Cette brillance musicale les sort complètement du lot et provoque quelques débats dans les commentaires Youtube, qu’on trouve sous leurs morceaux : sont-ils les Daft Punk de la techno ? Font-ils seulement de la techno ? A vrai dire, on n’en sait rien et on s’en fiche un peu.
Ce qui est certain, c’est que leur ADN reste inévitablement irrigué par la musique conçue pour danser dans le noir complet. Et ce n’est d’ailleurs pas étonnant de trouver dans la galaxie de leurs remixes des grands noms du genre tels que Raär, Anetha ou 999999999. Les Français s’éloignent néanmoins de ces références en créant leur style bien à eux, tant sur la forme – telle que décrite ci-dessus – que sur le fond.
Concernant ce dernier, ils créent à travers Road To Nowhere un voyage quasi-métaphysique, emprunt de beauté, de questionnements, de grâce et de violence. Un voyage qui se termine sur la superbe Follow Me et son vocodeur presque Krafwerkien, qui répète en boucle – et en anglais dans le texte : “Il n’y a pas de vérité, il n’y a pas d’endroit où aller, ni d’endroit où se cacher. Il n’y a que l’espace et le temps.”
A travers cet album, sorti sur le propre label du duo (Flyance Records), Kas : st pourrait donc bien s’extraire du milieu de la techno et conquérir un public bien plus large que celui qu’on trouve habituellement en club. C’est bien évidemment tout le mal qu’on leur souhaite, et au vu de la qualité de leurs morceaux, ce serait franchement mérité.
Kas : st est actuellement en tournée et sera à Paris le 16 novembre, pour le Big Bang Festival, à Aubervilliers (après une date au Berghain ce vendredi).
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