Deux maquisards tombent les armes et enregistrent, au crépuscule, un album mélancolique et délicat. Toujours un plaisir de retrouver cette collaboration délicate et lumineuse entre John Greaves et David Cunningham deux anciens combattants des souterrains anglais, le premier au sein du collectif Henry Cow, le second avec les farfelus Flying Lizards. Ici, pas d’effets […]
Deux maquisards tombent les armes et enregistrent, au crépuscule, un album mélancolique et délicat.
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Toujours un plaisir de retrouver cette collaboration délicate et lumineuse entre John Greaves et David Cunningham deux anciens combattants des souterrains anglais, le premier au sein du collectif Henry Cow, le second avec les farfelus Flying Lizards. Ici, pas d’effets aveuglants, pas de messages tonitruants, mais une alchimie étonnante entre une parole fragmentée, poétique et des lignes mélodiques riches, variées, qui brillent pourtant par leur simplicité. Le tout servi par la voix de John Greaves, retenue dans les moments lumineux comme dans la douleur, qui semble dire les notes du carnet de bord d’un voyageur. Un voyage dans le temps, qui fait revivre la révélation shakespearienne de Béatrice à Bénédicte, à Messine. Un voyage avec le temps, où le voyageur tour à tour efface et met à nu les cicatrices de son parcours rencontres, séparations, aubes lumineuses, eaux sombres, rendez-vous manqués… Ces bribes de vie ne sont pas dramatiques : elles vont et viennent, légères ou graves, à l’image de la magnifique partition pour saxophone de The Other world qui ponctue le morceau de ses pleurs ravalés, comme sur l’ensemble de l’album qui fait alterner très régulièrement les morceaux chantés et poignants avec des passages instrumentaux plus atmosphériques qui en sont les respirations. Greaves et Cunningham mélangent les sons (instrumentaux et technologiques), les rythmes (The Fine friends sous influence new-wave, The Map of the mountain qui clôt l’album sur un tempo « exotique »), les langues française et anglaise, les ambiances, sans que le résultat n’apparaisse jamais laborieux, figé dans un exercice de style. Cette musique coule de source et ramène à une simplicité première : celle de l’histoire contée par les titres de l’album qui font défiler The Mirage, The Other friend, The Open book… et l’article défini comme passerelle vers une unité perdue ; celle de la parole d’évangile, de la rencontre de l’autre vécue comme une révélation, une « bonne nouvelle », où le poisson relie l’amour terrestre à l’amour divin dans son ondoiement (« The beauty of his Beatrice/Sprang up in his heart/Swordfish eaten by Messinians/Were brightly luminous ») ; la simplicité, enfin, du verbe au commencement, du verbe du conteur. Et bien que John Greaves chante « qu’il n’y a plus personne pour rapporter la légende », on veut croire, dans le temps suspendu et magique de cet album, que David Cunningham et lui-même sont des passeurs de l’intérieur et du monde sensible, de l’opaque et du transparent, du mystère et de l’évidence.
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