Dernier soir du festival anglais The Great Escape. 400 groupes en 3 jours : on était dans la place et on a adoré une chanteuse de 9 ans.
On dit souvent que les groupes français jouant en Angleterre ne concernent que la diaspora française. C’est particulièrement faux au Great Escape où, à l’heure du petit déjeuner des festivaliers (12:45), Las Aves fait salle comble, excitée, jeune et principalement britannique. Il faut dire que le rock puissant, dopé à l’électro des Français a été adoubé par des sites et blogs influents du Royaume-Uni, surexcités par cette collision de chansons tendres et de mécaniques dures. Un peu comme une version largement modernisée de Garbage, qui était déjà en soi une version modernisée de Blondie. Soit de la pop-music rose fluo à l’écoute attentive de la technologie et de la nuit.
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Exactement ce que font les Australiens délurés de Confidence Man, que l’on retrouve pour un concert à la joie et l’énergie aussi communicative que celui, fabuleux, du premier jour de ce Great Escape 2017. Mais le groupe a, en élargissant sa scène, encore gagné en puissance, en folie dans cette salle plantée en plein milieu de la fête foraine du Pier. Il s’empare littéralement du public, le fait danser jusqu’à perdre le souffle, le fait sourire jusqu’à la douleur. On n’avait pas vécu pareille euphories depuis certains concerts des B-52’s, des Scissor Sisters. Ce nom sera bientôt sur toutes les lèvres : celles qui fredonnent comme celles qui annoncent le futur. Et si The Great Escape durait un mois, on viendrait chaque jour danser et rigoler avec ce garçon en slip, cette fille en shorts. Et pendant ce temps, on ne penserait à rien d’autre qu’au bonheur. Et il n’y aurait plus de guerre. Et il n’y aurait plus de lapidations homophobes à la télé (etc etc).
On a aimé la pop-folk de la presque régionale de l’étape Jerry Williams, surtout quand ses chansons s’accélèrent en rondes furibardes, totalement libérées et électriques. C’est mignon tout plein, le folk, quand ça s’énerve.
L’an passé , ce sont les garçons de Shame qui, du haut de leurs 17 ans, nous parlaient mi fascinés mi embarrassés de leur passion pour un groupe de leur quartier du sud de Londres : Honey Hahs. Trois filles, trois sœurs, jouant un folk divin, sous influence Syd Barrett et Joni Mitchell, sonnant avec la candeur et la maladresse charmante des Marine Girls. Ce qui les gênait un peu alors, c’est que les trois Honey Hahs avaient alors entre 9 et 13 ans. Mais papa, lui-même musicien de cette scène Brixton/Peckham, veillait au grain et après une foire d’empoigne entre les labels, c’est finalement Rough Trade qui les a signées. Plusieurs labels ont abandonné l’affaire en cours de route, mesurant la difficulté qu’il y aurait à faire tourner des enfants de cet âge, notamment à l’étranger. Ça n’empêche pas Shame de les embarquer sur quelques dates à venir. Elles trouveront bien le temps de réviser entre les balances.
Après la lubricité des danses de Confidence Man, les mines sages et la présence gênée des Honey Hahs proposent un contraste saisissant. Mais si les Londoniennes jouent avec des instruments nettement trop grands pour elles, même si leurs guitares ressemblent dans leurs petits bras à des contrebasses, leurs harmonies vocales et mélodies pourraient rendre jaloux beaucoup d’adultes, de vieux barbons pop, de vieux barbus folk. Sur la fin du concert, elles sont rejointes par une quatrième jeune fille – sœur ? cousine ? – qui joue de la trompette. Mais faut surtout retenir que ce groupe là, ce n’est pas du pipeau. Loin du gadget, du gimmick, les Londoniennes composent des chansons avec leurs âges, leurs hormones, leurs préoccupations. Pour les livrer, avec cet empressement d’ados (ou pré-ados), elles auraient pu choisir le grime ou le hip-hop : elles ont choisi le folk. Mais sans négliger l’urgence, l’agitation. Leur folk est ainsi une musique urbaine, un dialecte de plus pour raconter le désordre et l’exaltation de Londres 2017. L’anglais est une langue vivante.
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