« Mémoires Vives » prend des airs de manifeste pour un nouveau genre de pop urbaine. Une des grosses excitations de ce début d’année.
L’air un peu intimidés, ils jouent quelques morceaux dans des versions repensées pour l’occasion. Ils invitent Master Clap de Bagarre et reprennent Noir de monde de Bashung. Ils s’échangent leurs instruments, font quelques big-up à des amis dans la salle… Nous sommes le 23 janvier à la Maison de la Poésie, à Paris, et les jeunes gens de Grand Blanc sont sur scène pour une création originale sur le thème de la ville.
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La performance de Camille, Benoît et Vincent (il ne manque que Luc) est saisissante, à la fois profonde musicalement et plutôt vaporeuse dans le propos.“Nos textes ne racontent pas grand-chose”, lâche Benoît quand on les retrouve, début février, dans leur studio du XIe arrondissement. Il précise : « Ce sont des fragments de situations, de sons. On vit dans un monde qui ressemble à ça : les villes sont bordéliques, elles débordent d’informations. »
Entre expériences musicales et révolutions personnelles
Des chansons qui ressemblent à des villes, avec leurs recoins sombres, des silhouettes en mouvement et un flux continu de bruits disparates, voilà qui résume bien l’univers d’un premier album à l’énergie sulfureuse, que Grand Blanc a bricolé en accumulant les expériences musicales et les révolutions personnelles. Pour Camille, qui a passé plus de dix ans au Conservatoire, ce sera notamment un concert d’Aphex Twin au Centre Pompidou-Metz, ville qui a vu naître le groupe.“Avant ça, j’étais un peu réac, admet-elle. Je ne trouvais aucune légitimité à faire de la musique sans instruments. Ce concert a été un déclic, il m’a beaucoup fait réfléchir.”
Avec Benoît, il s’agira surtout de la découverte de Joy Division et, plus tard, de Mano Solo. “Avec lui, je me suis rendu compte que le format chanson pouvait être hyper badass, et même carrément punk. Il m’a donné envie de faire un truc un peu gouailleur, qui ne soit ni noble ni lyrique.” Il ajoute, après une référence à Booba : “Je pense que personne, aujourd’hui, ne peut chanter sans avoir à l’esprit la notion de flow.” Quant à Vincent, il lui faudra du temps pour se défaire de sa fascination pour les solos de Dire Straits, que son père écoute en boucle à la maison. Il raconte :
“Pendant longtemps, j’ai essayé d’être le meilleur guitariste possible. Mais je n’étais pas libre dans la création. Avec Grand Blanc, je redécouvre tout, je n’ai plus d’automatismes.”
Un petit brûlot jouissif
C’est cette liberté, inventée à l’école du désapprentissage, qu’on retrouve sur les dix morceaux (et trois bonus tracks) de ce petit brûlot jouissif qu’est Mémoires vives. D’un coin à l’autre de l’album, les odeurs de pollution se mélangent au doux parfum de la voix de Camille, les textes cognent et résonnent jusqu’à l’hallu sonore et les guitares disparaissent derrière un mur de distorsions grinçantes.
Mais au fait, Grand Blanc, c’est du rock ? Bof. Pour Camille, le rock peut être envisagé “comme une musique appartenant à une période précise”. Elle continue : “On en hérite tous, mais peut-être qu’en 2050 on en parlera comme d’un mouvement qui va des années 1940 aux années 1990.” Elle poursuit en s’emparant d’un autre mot :
“La pop, il y a une idée plus large derrière – celle d’une musique populaire, que tu peux retenir parce qu’il y a un gimmick entêtant quelque part. A travers ce médium, cette idée, tu peux emmener les gens où tu veux.”
« Notre musique est topographique »
C’est aussi ça, une chanson de Grand Blanc : un microcosme où les paysages mentaux s’entremêlent, frictionnent et finissent par créer une matière musicale singulière. Camille : “On aime bien dire que notre musique est topographique. Quand on fait un morceau, on a besoin qu’il soit planté dans un décor”, résume Camille. En ressort, à chaque fois, un brouillard synthétique où chaque nuance de noir est traversée par des fulgurances mélodiques. Un exemple frappant est le titre Evidence, dans lequel la tension des couplets de Benoît se retrouve neutralisée, d’un coup, par des refrains que Camille étire au maximum de sa voix vocoderisée – c’est d’une beauté désarmante.
Moitié punk, moitié Bisounours, Grand Blanc s’est taillé un costume à son exacte mesure. Le groupe a su esquiver, d’un côté, le sur-référencement martelé par certains (on les compare à Bashung depuis leurs premiers titres), et, de l’autre, une trop grande proximité avec des projets récents comme La Femme, Perez ou Feu! Chatterton.
Difficile, en effet, de trouver des comparaisons valables à des morceaux aussi balèzes que Disque sombre, aussi futuristes que Tendresse, aussi schizophrènes que Bosphore… Pour le reste, Grand Blanc s’apprête à transformer l’essai avec une tournée dans les grandes villes de France. Benoît : “On est en pleine recomposition de l’album pour inventer son avatar live.” Rendez-vous sur la route, donc.
Maxime de Abreu
A lire aussi : l’interview intégrale de Grand Blanc
Concerts le 4 mars à Marseille, le 9 à Bruxelles, le 10 à Tourcoing, le 11 à Orléans, le 12 à Metz, le 15 à Paris (Maroquinerie) le 17 à Reims, le 18 à Carouge (Suisse), le 23 à Rennes, le 25 à Bordeaux, le 31 à Rouen, le 6 avril à Dijon, le 8 à Lyon, le 9 à Nîmes, le 12 au Printemps de Bourges
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