Un album composé en 30 jours, en tournée et dans une certaine économie de moyen par Damon Albarn montre la face sombre du barnum Gorillaz, les coulisses de l’entertainment brillant. Étrange, courageux et plutôt passionnant.
Qu’il tienne du violon d’Ingres temporaire, de la curiosité technologique ou de bonne grosse opération de communication (The Fall = iPad, vérifiez sur Google), qu’il soit un cadeau véritable pour des fans sonnants et trébuchants du groupe (40€ pour un an) ou un moyen de pousser plus de monde encore à sortir le compte Paypal, The Fall n’est ni au rabais, ni sans intérêt.
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Conçu en un mois sur la route, chaque morceau précisant sa provenance, The Fall est un album conceptuel. Un vrai disque de tournée, le documentaire musical des pérégrinations hautes et basses d’un cerveau qui ne sait plus s’arrêter, les instantanés routiers d’un homme qui semble en avoir définitivement marre de faire le zozo aux quatre coins du globe –bien que ce soit à peu près la 12ème fois qu’il l’annonce, Albarn a récemment expliqué que Gorillaz, version méga cirque itinérant, c’était terminé.
Peu d’effets spéciaux sur The Fall. Pas ou peu d’invités stellaires –Mick Jones ou Paul Simonon apparaissent sur un morceau chacun, Bobby Womack chante sur la tordue Bobby in Phoenix. Pas de barnum sonique, d’orchestres gargantuesques, pas de place pour les idées en surnombre : la conception de l’album sur iPad, on va finir par le savoir, a imposé à Albarn un minimalisme qui lui sied plutôt très bien. Sorti en pleines agapes glucido-lipidiques de Noël, The Fall va ainsi vous mettre, fissa, au régime. Sec.
De cet océan de titres informes, passionnant contre-points au récent Plastic Beach, ne surnagent que deux « vraies » chansons : la sublime Amarillo et la très changeante California & the slipping of the Sun et ses lointains reflets de Sabali. Ailleurs, l’électronique est âpre et fantomatique (la belle Little Plastic Man), le groove patraque (la pâle Phoner to Arizona, le dub monstrueux d’Hillbilly Man), les synthés font danser comme des algues mollassonnes (Detroit, la chanson-jouet Aspen Forest).
Etrange donc courageux, The Fall porte bien son nom : il est la lente glissade vers l’ennui des tournées sans fin, sent les remugles des huis-clôt autoroutiers, décrit l’attente morne dans l’immensité de salles encore vides et blafarde, les soundchecks en automatique, met en musique déprimée les lendemains glauques de soirées lasses aux sourires forcés.
Album en écoute sur le site du groupe.
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