Quand Travis raconte l’histoire du rock britannique, on n’entend pas Alain Decaux : trop fougueux pour le musée. Dix ans que Glasgow faisait du gras avec une soul blanche mignarde rêvant d’Amérique. Dix ans que personne n’était venu semer la chienlit dans le petit confort Northern soul écossais. Dix ans à attendre en vain que […]
Quand Travis raconte l’histoire du rock britannique, on n’entend pas Alain Decaux : trop fougueux pour le musée.
Dix ans que Glasgow faisait du gras avec une soul blanche mignarde rêvant d’Amérique. Dix ans que personne n’était venu semer la chienlit dans le petit confort Northern soul écossais. Dix ans à attendre en vain que Roddy Frame daigne abandonner les comptoirs pour retrouver une santé musicale, à espérer que Jesus & Mary Chain se réconcilie avec son psychanalyste et qu’Edwyn Collins revienne au pays. Dix ans de vaches maigres à s’enthousiasmer sur de sympathiques pèlerins érigeant des statues dévotes de Big Star (la nébuleuse Teenage Fanclub) ou à se lamenter sur l’incroyable ingratitude réservée au génie solitaire de Blue Nile ou Belle And Sebastian. Jusqu’à ce matin-là où, encore sous le coup d’une mini-pagaille semée par Bis, Arab Strap ou Delgados, l’Ecosse s’est réveillée avec Travis, le groupe qu’elle attendait sans le savoir. Good feeling, indeed. En un seul U16 girls et son refrain bête comme chou, ces quatre cabochards primés en art-school ont su réconcilier le kop des Glasgow Rangers et la pop sixties, les guitares et les génériques télé. Une chanson à boire pour les pisse-froid, un hymne pour la jeunesse de Glasgow qui fredonnera comme un seul Ecossais le second single rustaud All I want to do is rock (un titre à la Oasis, ça).
Droit et fier comme un Lennon chantant son Mother, Travis tient d’ores et déjà sa victoire et Good feeling, l’album, finit d’en tresser les lauriers. Douze titres pour traverser l’histoire du rock comme une poupée russe, en essorer sa logique en croisant les époques avec intelligence et cynisme. Le coeur dans la voix, Travis y tutoie les cimes du rock héroïque avec la noblesse de Radiohead (Funny thing, Good day to die) et l’espièglerie des Attractions (Good feeling). Plus loin, il impose une cure d’amaigrissement au glam-rock (The Line is fine) avant de jouer les aguicheuses en s’emparant de l’intro de The Size of a cow de Wonderstuff pour marier Costello et XTC sur un Tied to the 90’s aux paroles drôlement désabusées et aux astuces suffisantes pour ridiculiser la moitié des singles de Blur.
En fait, il faudra attendre Midsummer nights dreamin’ pour les voir flancher et se ratatouiller dans des guitares et un son trop gros pour eux : un ratage anecdotique qui n’explique toujours pas pourquoi le visionnaire et écossais Alan McGee annonciateur d’un rock exalté et agressif pour cette fin de décennie a manqué la signature de Travis sur son propre label Creation.
Marc Besse
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}