Les Beasts Of Bourbon, c’est cette petite frange fange d’Australie qui professe pour le surf et le soleil un dégoût sans nom. Australie sans passé, nation biaisée, peuplée de forçats déracinés dont les rêves se sont trop longtemps heurtés au cul de leurs troupeaux de moutons, étiolés aux confins d’un bush sans limite. […]
Les Beasts Of Bourbon, c’est cette petite frange fange d’Australie qui professe pour le surf et le soleil un dégoût sans nom. Australie sans passé, nation biaisée, peuplée de forçats déracinés dont les rêves se sont trop longtemps heurtés au cul de leurs troupeaux de moutons, étiolés aux confins d’un bush sans limite. Ici, la bière est le sang d’un groupe fermenté par le souvenir des Saints, de Captain Beefheart et de Hound Dog Taylor, qui ne connaît de la vie que l’ombre moite des pubs de Melbourne ou de Perth, que le cri primal des guitares distordues, que les saintes écritures stoogiennes. Symposium de brutes à la configuration elliptique, assemblage grossier de membres des New Christs, des Johnnys ou des Scientists soit autant de groupes moribonds ou confinés à l’animation de leur quartier , les Beasts Of Bourbon sont l’essence même d’un rock’n’roll malotru et jusqu’au-boutiste, rendu mauvais par trop d’années de galères misérables et d’isolement. Un rock’n’roll à leur image : crasseux, des carottes plein les cheveux, les dents jaunâtres et les ongles en deuil, l’haleine fétide, la démarche pesante. Sur un terrain proche, le Jon Spencer Blues Explosion éclabousse son monde d’une classe insolente, les 16 Horsepower sont de fringants pur-sang. Mais les Beasts Of Bourbon n’ont pas l’étoffe de héros, trop absorbés à écluser des pintes à la chaîne, avant de rouler sous le comptoir. En presque quinze années d’une existence erratique et six albums mal léchés hachés menu par une hargne proche du vandalisme , ils n’auront jamais réussi qu’à conquérir les bacs des soldeurs et le mépris des bien-pensants. Et pourtant, ce blues-core blasphémateur, qui cite Muddy Waters comme on pisse sur une tombe, ne se fourvoie jamais dans les pièges qu’il se tend à lui-même. Ce n’est pas demain la veille qu’on verra les Beasts Of Bourbon pointer à l’hospice où somnolent les Cramps, aucun risque de les voir forcer le trait, comme tant d’autres Gallon Drunk de bas étage. Leur musique est vraie parce qu’elle s’écrit sans arrière-pensée, loin des regards, en état second. Sa force, c’est son absence totale de séduction, comme si les Beasts Of Bourbon ne la jouaient que pour eux et leurs amis, en comité restreint, pour animer leurs soûleries. Triste la bière, mais si chaleureuse qu’on crève déjà d’envie d’être de la prochaine partie. A condition de pouvoir tenir le rythme.
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