De Stanley Kubrick à Gainsbourg, le magnifique « Seventh Tree » de Goldfrapp, à paraître la semaine prochaine, est un velouté d’influences majeures. Explications.
A l’occasion de la sortie du quatrième album de Goldfrapp, décryptage en 5 influences d’un duo revenu à son plus haut niveau.
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Stanley Kubrick Barry Lyndon (1975)
[attachment id=298]Il arrive parfois que l’ascendance d’un groupe, ou d’un album particulier, soit rendue visible par le seul intermédiaire de sa pochette. L’emprunt direct ou détourné d’une image tirée d’un film peut raccourcir ainsi en un flash le chemin qui sépare un musicien de ses intentions. Les Smiths, à leur époque, ont utilisé à fond cette relation étroite entre certaines images d’acteurs et actrices plus ou moins underground et l’imaginaire complexe de leurs chansons.
La pochette de Seventh Tree renvoie donc immédiatement au chef d’œuvre de Stanley Kubrick, à sa prodigieuse lumière pastorale dont le maître avait souhaité qu’elle soit la plus naturelle possible. Chez Goldfrapp, après un détour de deux albums sous les néons des dancefloors, ce retour au songwriting s’accompagnait d’un même désir naturaliste, et cette pochette très mise en scène semble déjà dévoiler le contenu de l’album. L’écoute qui s’en suit, à l’inverse des vagissements de Mylène Farmer et Laurent Boutonnat qui utilisèrent autrefois les mêmes références, ne contredit heureusement pas ses belles intentions.
The Beatles Magical Mystery Tour (1967)
Certes, voilà une influence tarte à la crème par excellence. Pourtant, jusqu’ici Goldfrapp n’avait jamais montré autant d’inclinaison pour les canons de la pop sixties dont les Beatles incarnent l’Alpha et l’Omega. L’utilisation du mellotron, instrument psychédélique par excellence, comme la propension aux mélodies carillonnantes et extatiques renvoient donc assez logiquement à cette géniale matrice de l’année 67.
Serge Gainsbourg/Jean-Claude Vannier Melody Nelson (1971)
Sur Felt Mountain, le premier album de Goldfrapp, l’influence de Ennio Morricone était celle que l’on avançait le plus naturellement, sans doute parce que le maestro italien fut l’un des premiers à conjuguer des mouvements d’orchestres imposants dans le registre plus souple de la pop-music. Il ne faut toutefois pas négliger le travail similaire de Jean-Claude Vannier, que les anglais ont découvert tardivement via Gainsbourg ou au travers de son propre chef-d’œuvre instrumental, L’Enfant assassin des mouches.
Air Talkie Walkie (2004)
Si Goldfrapp cite avec une obstination inexplicable d’aïeul de la French touch, l’ineffable Cerrone, c’est plus évidemment vers la jeune garde de l’électro française que son inspiration le porte. Ceci dit, Air s’est depuis longtemps affranchi de son appareillage électronique pour inventer une forme nouvelle de pop inspirée à la fois par le songwriting folk et les musiques de films, devenant à son tour une référence en la matière (Virgin Suicides). On retrouve sur ce quatrième album de Goldfrapp toute la virtuosité impressionniste du duo français, et notamment cette façon unique de transformer le son analogique en une sorte de voûte céleste où le moindre arpège de guitare entre en apesanteur, et ou les cordes, claviers et mélodies, comme par magie, ne touchent jamais terre.
[attachment id=298]Vashti Bunyan Lookaftering (2005)
Le retour inattendu de cette belle endormie du folk anglais ne sera visiblement pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Vashti Bunyan n’avait autrefois publié qu’un seul album, Just Another Diamond Day (1970), pour ensuite entreprendre une vie nomade hors des circuits de la musique. Retrouvée par la scène néo-folk et avant-garde moderne, de Devendra Banhart à Animal Collective, elle s’est laissée convaincre de retrouver les chemins des studios. Sur ce second album, sa voix de sirène est magnifiée par la présence de cordes poignantes tissées par le prodige allemand Max Richter. On retrouve la même atmosphère suréelle dans quelques-uns des titres les plus recueillis du nouveau Goldfrapp, pour qui telle incursion dans cet univers des ballades cotonneuses est une première.
Kate Bush : Hounds of Love (1985)
Alors que son modèle avoué du temps de Supernature, Madonna, est aujourd’hui remisé très loin de ce nouvel album, Alison Goldfrapp célèbre cette fois l’autre superstar féminine de la décennie 80, l’insoumise Kate Bush. On considèrera d’emblée le titre du quatrième Goldfrapp, Seventh Tree, comme une allusion subtile à The Ninth Wave, l’étourdissante symphonie expérimentale qui ornait l’intégralité de la seconde face (du temps du vinyle) de Hounds of Love. Si la sirène de Goldfrapp reste une équilibriste nettement plus prudente que son aînée, son chant envoûte avec la même farouche détermination. Sur cet album qu’elle réalisa en totale autarcie, à l’aide d’un 48 pistes dirigé comme une usine à songes, Kate Bush inventait le folk du XXIème siècle. Seventh Tree en est l’une des belles ramifications.
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