Sortie des Breeders et de désintoxication, Kelley Deal se défoule sur un album mi-fougue, mi-déraison. Il fallait voir la maman Deal comparer, dans un pub miteux de Dayton, Ohio, les carrières de ses deux filles l’été passé. A la généreuse Kim tous les honneurs, elle qui venait de triompher avec les Breeders et allait continuer […]
Sortie des Breeders et de désintoxication, Kelley Deal se défoule sur un album mi-fougue, mi-déraison.
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Il fallait voir la maman Deal comparer, dans un pub miteux de Dayton, Ohio, les carrières de ses deux filles l’été passé. A la généreuse Kim tous les honneurs, elle qui venait de triompher avec les Breeders et allait continuer dans cette voix glorieuse personne n’en doutait alors avec ses Amps ; à Kelley tous les maux de la terre, elle qui venait d’être embarquée de force en cure de désintoxication par son frère et son père, elle qu’on accusait d’avoir bousillé les Breeders à coups de seringue, elle qui traînait avec les garçons louches, les motards sous acide, complètement Easy rider chez les ploucs. C’est pourtant à elle qu’allait la tendresse de maman Deal son garçon manqué de Kim ne s’intéressant que de très loin à la broderie, à la vaisselle, au shopping ou à la décoration intérieure.
Le futur des Breeders de plus en plus brouillardeux, l’heure est au bilan à la table de famille Deal. On avait eu tendance à l’oublier, tant tout semblait l’affirmer la rédemption de l’une contre la déchéance de l’autre ; la gloire jet-set de Kim contre la mise au placard du mouton noir Kelley , mais ces deux authentiques têtes brûlées sont jumelles. Ainsi, l’une peut bien donner des leçons de morale à l’autre, jouer la gourgandine rangée des bécanes, on sait que rien n’est noir, rien n’est blanc chez ces sœurs terreurs. Et que, fatalement, leurs deux albums solos se ressemblent : ni noir ni blanc, mais joliment gris. Gris garage pour l’album récréation des Amps, gris perlé pour celui de Kelley Deal 6000. Quand, dans une interview récente, on l’avait entendue jurer que son inspiration principale serait Lonesome crow de Scorpions, on avait craint l’album de rock Néocodion, retour lessivé de la clinique, le cerveau abruti par les médocs. Mais sortie de la cave où sa sœur joue ses classiques la tête dans le guidon, Kelley ose ici quelques chansons pop franchement lumineuses, doucement éclairées (Canyon, How about hero, Marooneed), parfaitement garces (Tick tock, Dammit, Head of the cult). Toutes chansons sorties de l’auberge, écrites et jouées au soleil, straight mais pas du tout raides. Là, on ne peut que se réjouir de cette santé neuve : car quand Kelley Deal va mal, le disque ne tourne plus du tout rond, abandonné aux mauvais trips de musiciens recrutés chez le toubib. Ainsi l’épouvantable A Hundred tires, le pénible Trixie delicious, l’alcoolique Mr Goodnight ou l’incroyablement mal-nommé Nice, quatre chansons archi-défoncées et infréquentables qui tirent Go to the sugar altar vers le fond. « La moitié de ma vie n’est pas une vie », se plaint par ailleurs Kelley Deal. A l’image de ce Go to the sugar altar, où la moitié du disque n’est pas digne d’un disque.
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