Cousine américaine de Bat For Lashes, Glasser et ses morceaux glacés fascinent : ils inventent même de nouveaux continents. Critique et écoute intégrale.
Pour avoir vu Cameron Mesirow sur scène, on sait qu’un reproche, en forme de compliment vachard, lui sera souvent fait : l’apparemment très forte tête pensante de Glasser, qui a eu l’audace folle de débuter son set hypnotique devant une salle pas vraiment bouillante par un a cappella bouleversant, est une excellente actrice. Elle excelle notamment, entend-on déjà hurler les sourdingues, dans l’imitation –celle de Bat For Lashes touche par exemple à la quasi-perfection.
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Voix voisines de pétrifiantes Meduses et univers partagés, même esprit brillant, même contraste entre apparence conceptuelle arty et incontestable richesse spirituelle, même fascination pour les envoûtements noirs, les pieds enlacés dans les mêmes racines de tropiques marécageuses mais les songes futuristes fixés sur les mêmes galaxies lointaines.
Oui, donc, certes : le premier album de Glasser, venue de Los Angeles mais installée à New York, ressemble beaucoup à ceux de l’Anglaise. Mais il rappelle également celui de Fever Ray, le premier de School of Seven Bells ou ceux de Juana Molina voire, pourquoi pas, ceux de Björk, encore que Kate Bush ne soit jamais très loin non plus. Ça fait beaucoup? Ça n’empêche pourtant pas du tout Ring d’être un disque tout à fait unique – miracle d’une moine-copiste capable de se défaire, par la simple qualité de ses pleins, déliés et enluminures, de toute Église trop envahissante.
Car Mesirow, fille d’un membre du Blue Man Group (oui oui) et d’une membre de Human Sexual Response, groupe new-wave des années 80, ne se contente pas de rappeler, elle happe tout autant : elle incante l’admiration que l’on doit aux vraies grandes chansons, elle appelle l’amour dans lequel tout artiste véritable mérite de baigner. Ressemblances ou non, la profondeur et les acrobaties de sa voix glacent le sang comme nulle autre.
Cousinage ou imitations, les motifs primitifs et tribaux de son électronique à la fois cristalline et organique (Home, T) inventent des terres que l’on n’avait auparavant jamais visitées – sinon dans quelque rêve vague et vaporeux d’un continent oublié entre l’Asie, l’Afrique, Alpha du Centaure, le passé protozoaire et l’avenir incertain. Ses harmonies glacées (Apply, Tremel) ont la grâce des rares grandes.
Les chansons de Ring, en général, ont surtout cette qualité et cette aura qui n’habitent que les compositions les plus fines : leur surface parfois minimale et classique permet, en profondeur, par leurs formidable force de suggestion, de nourrir toutes les imaginations possibles, d’inventer des paysages, de redéfinir les subconscients. Bienvenu dans les recoins planqués de votre propre psyché : Glasser sera là pour lui fournir des nouveautés pendant, sans doute, quelques années encore.
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