Avec « Everest », un troisième album mélancolique et ample hanté par la disparition d’un de ses membres, Girls In Hawaii ouvre grand les fenêtres de sa pop d’hier. Critique et écoute.
« C’est compliqué, on ne sait pas encore très bien comment parler de ce disque”, s’excusent Antoine et Lionel quand on leur explique que nous non plus, on ne sait pas comment amorcer la conversation pour évoquer leur nouveau recueil. C’est un disque, en effet, dont on aurait préféré ne pas devoir écrire l’histoire. Troisième chapitre de leur discographie, le nouvel album des Belges porte un nom de montagne : Everest. Un nom qui touche le ciel, parfait pour un disque qui parle beaucoup d’un de ses locataires : Everest est le premier album du groupe depuis la disparition brutale de son batteur.
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Il y a trois ans, au retour d’un concert de Hallo Kosmo, un groupe avec lequel il joue en parallèle depuis quelque temps, Denis, petit frère d’Antoine (chant), trouve la mort dans un accident de voiture. Rien, pour la jeune troupe, ne sera plus jamais pareil. A la douleur de perdre un être cher succède l’incapacité, pour le groupe, d’envisager un avenir, de penser à demain : pendant deux ans donc, Girls In Hawaii se met en pause. Antoine part habiter dans les Ardennes belges, loin de la ville. Là, tout seul, il se met à écrire à nouveau. “J’ai eu besoin de prendre le temps de digérer. Et puis la vie a repris, l’envie de composer est revenue peu à peu. Au bout de quelques mois, j’avais une dizaine de morceaux que j’ai envoyés aux autres.”
Le groupe se remet au travail et écrit une trentaine de morceaux, prenant soin d’éviter l’écueil du disque trop sombre, trop perso, trop impudique. “On savait que l’album aurait un côté sombre, mais on ne voulait pas faire un disque pesant. On constate aujourd’hui qu’il tourne autour de ce qui nous est arrivé, mais on n’a jamais décidé d’en parler explicitement. Les choses sont venues toutes seules.” A celui qui ignore sa genèse, Everest apparaîtra d’ailleurs avant tout, peu importe que ses auteurs viennent du plat pays, comme un disque de montagne : on y chante la Suisse (Switzerland), on y réveille de vieilles histoires d’alpinistes disparus (Mallory’s Heights). “Dans les années 1920, on a aperçu pour la dernière fois deux alpinistes à 300 mètres du sommet de l’Everest. On ne saura jamais s’ils sont arrivés en haut ou pas… Plus généralement, le nom Everest est revenu comme un mot-clé, pour l’imagerie qu’il véhicule. C’est l’ascension, la lumière, les neiges éternelles, quelque chose de lumineux et dangereux à la fois.”
La lumière et le danger, d’ailleurs, teintent l’enveloppe sonore d’Everest, disque ample et troublant où se croisent les fantômes de Deus, Radiohead et Grandaddy (Not Dead, Misses). “On voulait beaucoup de claviers, des choses épiques, des morceaux plus longs, voire étranges, à la Pink Floyd. Notre premier disque était très pop : ça nous a vite ennuyés de le jouer sur scène. Adolescents, on a aussi pas mal vu Noir Désir sur scène, on a beaucoup appris de leurs structures chamaniques, de ces morceaux qui s’allongent.”
Enregistré au Studio La Frette, un vieux manoir de la banlieue parisienne fréquenté par Syd Matters ou Feist, Everest a bénéficié des apports du Hollandais Luuk Cox à la production et de l’Américain Tchad Blake (Black Keys, Tom Waits…) au mix. Il sera le premier disque du groupe à sortir en Angleterre. Longue vie à lui.
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