A 79 ans, le grand Giorgio Moroder s’apprête à fouler, ce mercredi, la scène parisienne du Grand Rex. L’occasion d’évoquer avec lui son parcours, des tournées avec Johnny Hallyday au début des années 60, jusqu’à l’épopée « Giorgio By Moroder » de Daft Punk. Interview (midnight) express.
Il y a comme un petit air de déjà-vu. A l’autre bout du fil, Giorgio Moroder évoque avec nous sa jeunesse et la première fois qu’il a touché un instrument. « J’ai commencé la guitare à l’âge de 14 ou 15 ans », se souvient-il. L’intonation est la même et la voix inchangée : le grand Moroder, que l’on image planqué derrière une paire de lunettes de soleil et son incontournable moustache, parle comme dans le titre le plus ambitieux jamais enregistré par Daft Punk. Le court laps de temps qu’aura duré cette interview a trahi à nos yeux l’immense tendresse que les Français casqués ont dû éprouver au moment de mettre en boîte Giorgio By Moroder sur le déjà emblématique Random Access Memory (2013).
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Producteur phare des années 70, faiseur de bandes originales de films de génie, coupable de tubes que l’on se repasse en boucle jusqu’à la transe comme Love to Love Baby, Moroder semble revivre à chaque évocation des temps passés les émois qu’il a ressentis alors. Si tout un volet de sa discographie peut sembler saugrenu à des oreilles qui ont vu passé depuis la French Touch, une autre reste fondamentalement aux prises avec l’écrin de modernité dans laquelle elle a pu éclore.
Alors qu’il a donné le coup d’envoi le 2 avril dernier à Londres d’une grande tournée européenne, et qu’il sera de passage sur la scène du Grand Rex ce mercredi, Giorgio a répondu à nos questions.
Vous avez beaucoup tourné aux Etats-Unis l’année dernière, comment avez-vous appréhendé cette nouvelle série de concerts en Europe ?
Giorgio Moroder : La préparation de cette tournée a été longue. Dans un premier temps, il a fallu retravailler les arrangements des compositions. Et puis, tu sais, je chante sur deux morceaux ! J’ai dû exercer ma voix et m’entraîner à chanter. Et il fallait aussi bien gérer le vocodeur… C’est beaucoup de travail avec les musiciens !
Quelles sont les chansons que vous allez interpréter ?
Il y aura Looky Looky. C’est l’une de mes premières chansons. Je l’ai écrite il y a bien longtemps et ça a été un succès. Et il y aura aussi From Her to Eternity, écrite aux alentours de 1979.
Vous disiez vouloir produire une musique moderne, nouvelle. Une musique du futur. Êtes-vous toujours excité à l’idée de monter sur scène aujourd’hui, si l’on considère que le futur c’est maintenant ?
C’est vrai, le futur c’est maintenant et je pense qu’il était temps de remonter sur scène ! Je n’ai pas toujours été prêt à cette idée, mais je suis content de voir que les gens continuent d’écouter mes chansons. Et j’aime jouer en France.
D’ailleurs, à ce sujet, les gens qui vous connaissent bien le savent, mais une partie du public ignore que vous avez fait de la musique pour France Gall ou encore Mireille Mathieu.
C’est vrai ! France, Mireille, j’ai aussi travaillé avec Johnny Hallyday au début des années 60. On a fait des tournées ensemble : je me rappelle être allé à Marseille, de jouer à Monte-Carlo… et il y avait cette chanson qu’il chantait toujours, Souvenir Souvenir (il reprend l’air et rigole – ndlr).
Oui, d’ailleurs vous étiez à la basse, n’est-ce pas ?
Un peu de guitare aussi, mais essentiellement de la basse, oui.
A l’époque, vous vous disiez que le live était toute votre vie, ou vous aviez plutôt déjà l’idée de devenir un compositeur à part entière et d’explorer de nouveaux territoires musicaux ?
J’ai fait des concerts partout, en Suisse, au Danemark, en France, mais à la fin des années 60, le propos c’était plutôt de devenir un compositeur. Mais tu sais, quand tu es jeune, tu rêves de ça, composer ; d’être un grand compositeur ! Mais la réalité est différente. Ça m’a pris beaucoup de temps et c’est une bonne chose, ça m’a permis d’apprendre avant de faire ce que j’ai toujours voulu faire. J’ai eu la chance de rencontrer des gens comme Ricky Shayne, qui était célèbre aussi en France, lorsque je suis arrivé à Berlin. J’ai pu composer pour les autres.
Après Berlin, vous êtes allé à Munich.
Oui, j’ai déménagé à Munich, c’est là-bas que j’ai fait Son Of My Father, qui a explosé en Angleterre. Et puis surtout il y a eu Donna Summer et Love to Love You Baby.
Comment avez-vous travaillé sur ce titre avec Donna Summer ?
Je voulais inventer quelque chose. Donna travaillait en Allemagne et j’avais besoin d’une chanteuse pour une démo. J’ai fait The Hostage avec elle et ça marchait pas mal. Un jour je lui dis que j’ai besoin de quelque chose de plus sexy, elle est venue chez moi et a eu cette idée de chanson. On a enregistré ça en deux jours.
Vous pensiez que le morceau marcherait aussi bien ?
On savait que ça allait être bien, mais, quand même, j’avais un peu peur qu’on dise du disque que c’est trop sexy. C’est l’inverse qui s’est produit, toutes les maisons de disques étaient intéressées. Il y a eu ensuite la version de dix-sept minutes. Elle jouait dans toutes les discothèques, et à la radio.
C’était important pour vous cette idée de modernité ? Qu’un morceau soit intemporel ?
Quand j’ai fait I Feel Love il y a plus de 40 ans par exemple, j’aimais déjà ce titre et je l’aime encore. J’ai vu passer quelques reprises, certaines sont intéressantes, mais la mienne est la meilleure je crois. Si on écoute l’EDM d’aujourd’hui, c’est inspiré de I Feel Love.
Ces succès vous ont ouvert la voie pour composer des musiques pour les films, comme Midnight Express (1978) d’Alan Parker.
Après I Feel Love, il y a ce réalisateur, Alan Parker, qui me dit qu’il aime la chanson et qu’il est en train de faire un film sur un sujet autour de la drogue. La seule chose qu’il voulait de moi, c’était que je fasse une chanson « dans le genre » de I Feel Love, qui irait bien avec la scène du début. J’ai d’abord composé Chase. Il a aimé et m’a laissé faire ce que je voulais pour la suite. Et je ne sais pas, je me suis lancé et j’ai fini avec un Oscar. Incroyable.
Vous écoutez beaucoup de musique aujourd’hui ?
De l’EDM surtout, ce qui se joue à la radio.
Giorgio Moroder sera en concert le mercredi 22 mai, au Grand Rex, à Paris (1 boulevard Poissonnière, 75002)
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