Dix ans après la sortie de I’m New Here, le batteur Makaya McCraven livre sa réinterprétation de l’ultime album de Gil Scott-Heron, légendaire poète soul.
“Gil disait souvent qu’il était un ‘bluesologiste’, un scientifique du blues. C’est ce que j’ai cherché à garder.” Attrapé quelques minutes au téléphone à Londres, où il assure un marathon promotionnel, Makaya McCraven rappelle une séquence mythique du film Black Wax (1982), où Gil Scott-Heron se balade à Washington DC avec un ghetto blaster sur l’épaule, père spirituel évident de la scène rap et commentateur politique, drôle et acide.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Paru en 2010, I’m New Here était le testament sonore du chanteur américain, conceptualisé par Richard Russell, le patron du label XL Recordings, bien décidé à remettre dans la lumière l’un de ses héros, qui traversait alors des années difficiles d’addiction et de séjours répétés en prison. Ce sera mission accomplie avec un disque monumental de blues poétique et rêche qui rappellera aux plus jeunes générations la voix extraordinaire de Scott-Heron et ses avancées musicales et militantes.
Des nouvelles facettes plus souples et rythmiques
+
Après une première relecture réalisée par Jamie xx en 2011, We’re New Here, Richard Russell a proposé à Makaya McCraven, chef de file de la nouvelle scène jazz, de célébrer à sa manière le dixième anniversaire de la sortie de l’album du héros soul américain.
“C’était un provocateur. Il était trop progressif pour le grand public. Sa musique a toujours été présente dans ma vie, comme celle de Coltrane, Fela ou Funkadelic. C’est une figure américaine majeure autant pour la musique que pour le combat des Noirs”, raconte McCraven, pourtant pas impressionné par l’idée de se confronter à l’héritage de Gil Scott-Heron.
C’est probablement ce qui explique la vitalité de cette nouvelle réinterprétation, désossée de toute volonté patrimoniale et qui retrouve la verve musicale joueuse du chanteur défunt, celle-là même qui l’habite dans les images live filmées dans Black Wax ou qu’on devine à la lecture de son autobiographie La Dernière Fête (2000).
“Ce projet est tombé à pic car je cherchais à travailler davantage avec des voix. J’ai beaucoup écouté les textes et essayé de comprendre qui il était et ce qu’il voulait dire. Je souhaitais que ce soit comme une conversation entre lui et moi.” Le pari du jazzman est réussi, à l’image de Running, qui bénéficie d’une nouvelle facette plus souple et rythmique, ou I’ll Take Care of You, à la ligne de piano limpide qui décuple l’émotion de ce classique chanté initialement par le bluesman Bobby Blue Bland. Plus qu’un exercice de style virtuose, We’re New Again porte bien son titre.
Il peut être aisément considéré comme un disque neuf et non une simple relecture. Sa teneur acoustique renoue avec les enregistrements de Gil Scott-Heron des années 1970, notamment Pieces of a Man (1971) ou Winter in America (1974). Cette capacité de McCraven à retrouver les vibrations originelles de la musique de Scott-Heron tout en proposant une production moderne est la grande réussite de cet album. Le temps de ces dix-huit plages, Gil Scott-Heron est rappelé à nous de la plus belle des façons : dans un élan intouchable de liberté et de poésie.
We’re New Again – A Reimagining by Makaya McCraven (XL Recordings/Wagram)
{"type":"Banniere-Basse"}