Gil Scott-Heron, héros de la soul contestataire, parrain du rap, revenu de la damnation en 2010 avec le magnifique I’m New Here, est mort ce week-end : portrait et hommage, par Francis Dordor.
Pour ce survivant qui refait surface dans un monde assombri, délabré, pré-apocalyptique, c’est un coup de maître au timing parfait. New York Is Killing Me, parmi les plus récentes, propose sans doute une clé géographique à cette réussite inespérée. Car si New York était en train de tuer Gil Scott-Heron, Londres l’a probablement sauvé. Déjà par le passé, c’est dans la capitale anglaise qu’un Bob Marley dans l’impasse s’était relancé, qu’un certain Jimi Hendrix avait trouvé la gloire. On doit chaque fois ces sauvetages à l’habileté d’un producteur, Chris Blackwell pour Marley, Chas Chandler pour Hendrix.
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Dans un même esprit, Russell a su propulser cette étoile de la soul au vertigineux déclin dans le ciel du troisième millénaire, conférer à l’astre plombé et moribond cet éclat postmoderne des productions « fusionnistes » à l’anglaise sans renoncer à l’élément de séduction que recèle son héritage afro-américain dans ce qu’il a de plus authentique. Depuis, I’m New Here a engendré We’re New Here, où Jamie Smith, du groupe The XX, s’est amusé à remixer quelques morceaux (voir entretien ci-contre).
Aujourd’hui, la musique de Gil Scott-Heron rassemble tant de choses : la douleur transcendée du blues, la liberté du jazz, l’émotion de la soul, le verbe cosmique des poètes beat et cette grâce métaphysique noire qui séduit comme nulle autre. Lors de son passage à la Cité de la Musique à Paris, en septembre dernier, on ne pouvait se montrer surpris d’y trouver un public plutôt jeune et féminin. Depuis que Marvin Gaye, Curtis Mayfield ou Bob Marley ne sont plus, il est sans doute l’un des derniers « thérapeutes de l’âme » dont la musique caresse les sens et dont les mots mènent le combat d’une citoyenneté critique.
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