Rickie Lee Jones redécore enfin son intérieur, vire le clinquant et l’orthodoxe pour laisser ses chansons en liberté. Il y a toujours eu un malentendu entre la critique et Rickie Lee Jones. A ses débuts déjà, sur la foi de concerts sulfureux et de chansons canailles, il faisait bon l’évoquer comme une Marianne Faithfull folk […]
Rickie Lee Jones redécore enfin son intérieur, vire le clinquant et l’orthodoxe pour laisser ses chansons en liberté.
Il y a toujours eu un malentendu entre la critique et Rickie Lee Jones. A ses débuts déjà, sur la foi de concerts sulfureux et de chansons canailles, il faisait bon l’évoquer comme une Marianne Faithfull folk et moins destroy, une version roots de Patti Smith et l’héritière désignée de Joni Mitchell dans la tradition des chanteuses américaines. Puis sortira Pirates, un disque trop gros, trop difficile à apprivoiser, griffonnant au piano ses chansons faites de tragédies ordinaires, de morceaux de vies foirées, d’amours mal foutues. Véritable bande-son de l’adolescence de Lisa Germano, Fiona Apple et Suzanne Vega, Pirates a immortalisé Rickie Lee Jones sous les traits d’une fille à bonnet rouge chantant des ballades bluesy pour romantiques transies. Et condamné à l’anonymat toutes ses autres tentatives musicales. Ghostyhead, et sa pochette sans équivoque, met donc fin à la dictature du béret rouge et tord le cou par la même occasion à quinze années d’existence fantomatique où, de disques distants en silence, l’ex-égérie du folk californien s’est forgé une réputation de personnage un peu snob, avare en révélations et peu disposé à la remise en cause musicale.
La quarantaine bien tassée, Rickie Lee Jones suit l’exemple de ses filles spirituelles Suzanne Vega surtout et ose la table rase, repense son intérieur musical. Glissée dans ses nouveaux appartements, Rickie a remisé son piano au grenier, bousculé son confort bourgeois et oublié ses habitudes faux-chic en jazz blanc pour se construire un univers dépouillé et délicieusement contemporain. Inutile donc de chercher les rondeurs et les enluminures : pour Ghostyhead, Rickie Lee Jones s’est rappelé les années passées avec Tom Waits à déconstruire des structures mélodiques, à travailler les syncopes et à tisser de l’étrange. Comme si elle jouait à se faire peur, elle élabore des boucles électroniques, flirte avec une modernité et une sécheresse inédites pour elle, sculpte des rythmiques désordonnées au beat-box dans un disque qui résonne d’une liberté totale, dodelinant sur le mid-tempo sur des plages de sept minutes et abrégeant en trois minutes des pans entiers de pure Amérique folk-rock éclairée à la loupiote (Firewalker). Avares d’arpèges, les guitares ne seront là que pour baliser la tradition musicale américaine et souligner le légendaire phrasé talking-blues d’une Rickie Lee Jones miraculeusement retrouvée.
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