Si James Brown est le parrain de la soul, George Clinton demeure le gardien du funk. Son virage psychédélique, sur fond de LSD et de shows délirants, marquera les seventies de son empreinte extravagante. De Parliament à Funkadelic, ses groupes ont laissé un héritage groovy anticonformiste que se disputent rappers, chantres de la fusion, Prince ou les branleurs de Primal Scream. Une ahurissante odyssée.
Quand la musique a-t-elle commencé à compter pour toi
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Je ne joue d’aucun instrument, mais j’ai commencé à chanter en 1950. Dans ma famille, tout le monde chantait. Lorsque le format 45t est apparu, ma cousine venait régulièrement me faire écouter les derniers slows les Spanells, les Moonglows… J’ai assez peu de souvenirs du Sud où j’ai passé ma petite enfance. Je me souviens surtout d’une rivière où j’attrapais des poissons. En retournant sur les lieux, il y a cinq ans, j’ai réalisé que ce que je prenais pour une rivière n’était qu’une rigole. J’ai essayé de retrouver ma maison et j’y suis finalement arrivé la veille de sa destruction. Mon père nous avait ensuite emmenés dans le New Jersey. Nous habitions un quartier très tranquille. Je chantais tout le temps. A New York, à l’époque, le doo-wop était le truc en vogue, tout le monde roucoulait pour les filles (il chante et claque des doigts)… Je n’écoutais pas de blues ou de gospels, c’était ringard, c’était la musique de mes parents.
Mais votre musique actuelle touche aussi bien les parents que leurs enfants.
Notre musique est différente, elle a réussi à traverser les générations les jeunes l’aiment et c’est pourtant la musique de leurs parents, voire de leurs grands-parents. Les gosses viennent me voir et me disent « Mon grand-père était fou de vous. Vous étiez son Dieu ! » A 14 ans, j’ai formé mon premier groupe, les Parliaments. Durant toutes les années 50, nous avons fait la tournée des collèges et des facs. En 1958, j’ai commencé à travailler chez un barbier. J’étais coiffeur, spécialisé dans les coupes à la Nat King Cole ? avec les vagues sur le côté. Je n’ai jamais terminé le lycée, mais j’avais réussi à faire tourner tous mes profs en bourrique: j’avais beau être un bon écolier, ils voyaient bien que j’étais fait pour chanter. Lorsque j’ai enregistré mon premier disque, en 1958, j’étais encore au lycée. Notre groupe était connu des étudiants. Mon premier héros, c’était Frankie Lymon, puis Smokey Robinson est arrivé, il est devenu mon idole. C’est là que j’ai vraiment commencé à sécher les cours pour aller voir tous les groupes : les Dells, les Heartbeats, les Flamingoes, les Teenagers de Frankie Lymon, les Platters, Little Richard, Chuck Berry, Jerry Lee Lewis…
Nous avons continué à enregistrer, mais nous n’avons obtenu notre premier hit qu’en 1966 avec I wanna testify soit dix ans après nos débuts. Nous étions chez Motown, mais nous ressemblions trop aux Temptations. En les voyant sur scène, nous avons réalisé que nous n’avions aucune chance de les surpasser. Nous avons donc décidé de faire quelque chose de différent, de neuf, entre le blues et le rock: une sorte de blues uptempo plus lent que le rock. Nous l’avons baptisé funk.
La cassure a-t-elle été nette
En 1967, on a viré psychédélique. On avait remarqué que les hippies s’habillaient d’une autre façon. D’où nous venions, il fallait avoir l’air clean: nous portions des costumes et des cravates impeccables. Pourtant, des jeunes Blancs vendaient des milliers de disques en s’affichant en jeans troués. On s’est dit « Hey! nous aussi on sait comment avoir l’air pauvre ». On a commencé par troquer nos costumes-cravates contre des choses plus colorées, extravagantes. Tout le monde a trouvé ça cool. Puis, on a pris carrément tout ce qui nous tombait sous la main, comme des draps, des couches, et on s’est confectionné un nouveau look. C’était comme des gamins qui découvrent, dans le grenier, une malle de vieilles fringues. Nous prenions tous du LSD. J’étais déjà marié. Sous acide, je baignais dans la plus absolue béatitude, tout me semblait beau. Je ne me souviens pas de mon premier acide, je sais seulement que j’ai été l’un des derniers du groupe à y goûter. En fait, j’avais surtout été intrigué par certains de mes partenaires, des types habituellement maussades, jamais contents, impossibles à dérider, et qui tout à coup étaient de bonne humeur non-stop, avec le sourire jusqu’aux oreilles. J’élevais un cochon dans ma maison. Or, l’un de nos musiciens était musulman pratiquant. Il n’aurait touché un cochon pour rien au monde. Pourtant, il est tombé sur mon goret et il a joué avec ? il était heureux comme tout, c’était miraculeux. Là, je me suis dit si ça leur fait tous un tel effet, il faut que j’en prenne .
Le délire a duré trois ans. Je ne portais qu’un drap, hiver comme été, avec rien en dessous, souvent pieds nus, même dans la neige. J’étais rasé, avec une étoile d’un côté et un croissant de lune de l’autre, une tresse pendant du sommet du crâne. Sur notre passage, les gens demandaient «C’est une nouvelle religion ? Un gourou ? » Pourquoi pas, je me disais, si c’est ce qu’ils veulent. En 1968, on a joué à New York et à Paris. Le public a très bien réagi à ce changement, mais les patrons de clubs flippaient : sur les photos, on ressemblait aux Temptations et, sur scène, on était affublé de pans de rideaux. En deux mois, notre réputation était faite: tout le monde avait entendu parler de nous, ces dix dingues qui arpentaient la scène, nus la plupart du temps. Pour le concert de Detroit, au Casino Royal, on s’est acheté des masques de personnages de science-fiction. On a fait la une de tous les canards: ils nous ont surnommés les Temptations on Acid. Personne ne se rendait compte que si je m habillais et me coiffais de façon aussi excentrique, c’était surtout pour lutter contre ma timidité maladive.
Avez-vous commencé à flamber
A cette époque, Motown utilisait nos musiciens à tour de bras pour les disques d’autres formations. Le groupe marchait fort, et c’est là que nous avons recruté Bootsy Collins. Il est resté avec nous un an, puis il a voulu monter son propre groupe. Nous en étions alors à dix-sept musiciens en tout. On a aidé Bootsy sur son album avant de sortir Chocolate city puis Bootsy s rubber band et The Mothership connection (les trois albums de 1975). Tous les disques se sont bien vendus, avec de jolis hits, alors Bootsy et moi nous nous sommes acheté des costumes délirants et somptueux pour 3 000 dollars, pour les photos, puis nous avons tous filé aux Bahamas faire des parties de pêche en bateau. Au retour, nous avons acheté la fameuse soucoupe volante du Mothership connection en vue de la tournée. L’idée venait de moi mais, étant donné le prix ? près d’un demi-million de dollars ?, l’initiative n’a pas plu à tout le monde dans le groupe. Certains, qui préféraient s’acheter des bagnoles, nous ont d’ailleurs quittés à ce moment-là. Je pense que c’était nécessaire, c’était un investissement pour l’avenir. On va sans doute en acheter une autre cette année.
Tes parents ont-ils pensé que tu devenais dingue
Quand ma mère a vu à quel point les gens nous aimaient, elle est venue voir le show. Elle pleurait et riait en même temps: «Qu’est-il arrivé à mon bébé ? »Je rampais par terre sur scène, j’allais voir sous les jupes des filles… Depuis, ma mère adore notre musique, elle nous appelle les Mother Funkenstein. Mon père a mis plus de temps à y venir: tant que ça ne faisait pas d’argent, ce n’était pas intéressant. Aujourd’hui, il est hyper fier de nous. Pas comme mes anciens copains du New Jersey… Eux, ils n’ont jamais réussi à me prendre vraiment au sérieux. Au plus fort de notre renommée, ils venaient me voir chez le barbier où je continuais d’exercer pour me charrier: «Damn nigger ! Et en plus t es payé pour faire ces conneries ? » Ça les tuait qu’on puisse marcher. Tout le monde était à mes pieds et eux me charriaient sur ma coupe de cheveux. « C’est quoi cette merde que tu te trimballes sur la tête ? » Les parents de mes anciens potes se méfiaient de moi. Mes amis leur disaient «George va super bien. Il gagne plein d’argent. » Et leurs parents leur répondaient « il ne peut pas être payé pour se trimballer avec une dégaine aussi lamentable ! » Revenir dans le New Jersey me remettait sacrément les pieds sur terre. Jusqu’à aujourd’hui d’ailleurs, même s’ils sont quand même fiers de nous. Là-bas, à l’époque, ils étaient plus dans le son Motown ? alors les filles ne s’intéressaient pas à nous. Heureusement, ailleurs, nous avions plus de succès.
Etiez-vous envieux de Motown’
Nous voulions signer chez eux en raison de leur esprit de famille. J’ai travaillé avec la femme de Berry Gordy (boss de Motown) à New York. Lorsque Motown a quitté Detroit pour s’installer en Californie, j’ai décidé de continuer la tradition dans la vieille ville avec tous
les groupes de la Funk Mob et la situation s’est inversée: nous n’étions plus en compétition avec la Motown, mais eux étaient en compétition avec nous. Nous avons poussé les Temptations vers le top psychédélique, c’est nous qui les avons fait évoluer vers Cloud nine et Papa was a rollin’stone. Ils ont commencé à nous copier car nous étions devenus le groupe en vue à Detroit et aux alentours. Tous les autres ont tombé la veste et la cravate après nous. Grâce à nous, Motown est soudain devenu très ringard. L’acide m avait ouvert aux Beatles et à d’autres choses. Lorsque nous avons recruté Bootsy Collins, puis Maceo Parker et Fred Wesley, James Brown était has-been lui aussi. Tu sortais ses disques de sous le lit pour faire la fête et tu les rangeais ensuite à l’abri des regards. Nous, nous avions déjà les Funkateers, les fans qui s’habillaient comme nous. James Brown prenait trop de dope. A l’époque où nous avons sorti le Mothership connection, on me disait que James Brown prenait de l’angel dust (poudre d’ange) et je n’arrivais pas à le croire. James Brown était pourtant riche et éduqué. Après coup, j’ai réalisé à quel point il était excellent, qu’il lui suffisait de faire « Han ! Han ! »(il imite James Brown)… Sly Stone, lui, était une sorte de James Brown sophistiqué. Quant à Jimi Hendrix, nous ne le connaissions qu’en tant que Jimi James and The Flames. Lorsque nous l’avons vu sur scène à son retour aux Etats-Unis, il jouait du blues. Du blues un peu speed, mais du blues. Je ne savais même pas si les gens l’aimaient ou pas. C’est en tournant avec des groupes de rock blanc que nous avons créé le son de Funkadelic. Un soir, nous tournions avec Vanilla Fudge et, faute de temps, nous avons joue avec leur équipement. Ils utilisaient des amplis Marshall : on a fait une sacrée découverte ce soir-là! Nous étions devenus un groupe de rock black.
Comment se faisait la séparation entre Funkadelic et Parliament, les deux projets que tu menais de front
Funkadelic et Parliament n’étaient pas uniquement des noms de formations destinés à contourner les problèmes contractuels auxquels nous devions faire face. Parliament utilisait beaucoup de cuivres et les vocaux étaient très soigneusement orchestrés. Funkadelic, c’était plutôt les guitares, les psalmodies. Parliament était porté sur la science-fiction, alors que les prises de positions politiques étaient réservées à Funkadelic.
Comment arriviez-vous à vous y retrouver en étant toujours défoncés’
Je me mélangeais un peu les pédales parfois peut entendre des cuivres sur un ou deux albums de Funkadelic, j’avais sans doute la tête ailleurs (rires)… J’ai pris de l’acide jusqu’à ce que ça ne me fasse plus aucun effet. On en prenait par poignées entières. Contrairement à ce que les gens pensent, Woodstock a marqué la fin et non pas le début du mouvement hippie et de l’acide. Avant Woodstock, les gens disaient «Tu veux de mon joint Je te file un acide ? Tu veux partager ceci, ou cela ? » Après Woodstock, c’est devenu « Tu veux acheter de l’herbe ? Tu veux acheter de l’acide Je te vends ceci et cela. » C’est à ce moment-là qu’on a arrêté l’acide. Par contre, nous n’avons jamais arrêté de fumer. Je n’ai jamais été attiré par l’héroïne, mais je gobais tout le reste en grosses quantités. A connaissance, personne n’a jamais fait de mauvais trip, chacun souriait aux anges en permanence, personne n’était jamais énerve. Les mauvais acides sont apparus plus tard, avec l’angel dust, qui revêtait l’apparence trompeuse de l’acide mais n’en était pas. Je n’ai jamais voulu l’admettre mais, avec le recul, je sais que l’acide a influencé mon travail et mon mode de vie. Parce que, avec l’acide, tu ne peux t engueuler avec personne, tout paraît beau. Free your mind and your ass will follow : je ne sais même plus d’où notre slogan m’est venu. Un ami qui notait tout ce que je disais sous acide, toutes mes fameuses pseudo-formules philosophiques, m a dit « Hier soir, tu as dit « free your mind and your ass will follow », tu te rends compte de la profondeur ? » « Ah bon, j’ai dit ça, moi ? C’est débile mais note-le bien, j’essayerai d’en faire quelque chose. » C’est devenu un classique. Tout le monde était aussi défoncé que nous. A l’époque des manifestations contre la guerre, nous avons commence a écrire des paroles contestataires. Les mômes tentaient de se faire réformer pour éviter d’aller au Vietnam. Notre musique portait en elle à la .fois la liberté et la contestation, en correspondance exacte avec les attentes du moment. On s’est éduqués sur la route, en voyageant, en étant en contact avec des gens d’horizons différents.
Quand avez-vous senti que vous perdiez contact avec la jeunesse
Après l’énorme succès de One nation under a groove (1978), il y a eu un passage à vide. Nous n’avons pas sorti d’albums pendant longtemps parce que nous avions senti le vent tourner. A l’évidence, les maisons de disques allaient se jeter sur de nouveaux groupes ? c’est cyclique chez eux. Nous en avons profité pour nous relaxer, aller pêcher tranquille jusqu’à ce qu’ils veuillent de nous à nouveau. Nous ne sommes revenus qu’en 1983 avec Atomic dog. Nous avions déjà compris ce qu’était la clé de toutes les modes lorsque les parents disent «non’, ru peux dire oui Si les adultes n’aiment pas telle musique ou s’élèvent contre telle mode, ru peux être sûr que ça va marcher. Quand j’étais gosse, le rock’n’roll était considéré comme une musique diabolique. Il en a été de même pour le punk, puis le hip-hop. J’ai toujours respecté toutes les musiques, même celles qui n’ont aucun sens, j’apprécie l’anticonformisme. Avant même d’avoir entendu du hip-hop, je savais que ça allait cartonner car j’entendais déjà les critiques pleuvoir çà et là. La première fois que j’ai entendu des samples de ma musique, j’ai été heureux, même si nous n’étions pas payés. Parce qu’ainsi nos morceaux continuaient à passer à la radio, notre musique restait vivante. Maintenant, ça paye mes impôts. Je reçois des bons petits chèques de 15 ou 20 000 dollars de temps en temps et ça me permet d’investir dans mes disques, de les enregistrer comme bon me semble. han dernier, nous avons joué dans la tournée Lolapallooza, avec 30 000 jeunes par jour ? notre musique reprend. Avec les Red Hot Chili Peppers, j’ai réalisé que les jeunes Blancs étaient plongés à fond dans nos vieux morceaux psychédéliques de Funkadelic des seventies, comme Free your mind and your ass will follow. Des trucs dingues, que j’avais presque honte de sortir à l’époque. Pour ce titre, par exemple, je trafiquais tous les boutons de son, on enregistrait un disque en une journée. L’album Maggot brain (1971) est devenu un classique et, pourtant, c’est complètement bâclé. J’ai fait mon dernier album Dope dog de la même façon, en mixant hip-hop et rock ? et les jeunes aiment ce mélange.
Tu as travaillé avec des groupes aussi différents que Primai Scream ou Ice Cube.
J’ai repris un morceau de Eric B & Rakim ? le meilleur rappeur du monde. Personne ne peut rivaliser avec lui. Moi pas plus que les autres. La plupart des gens pensent que Bobby Gillespie, de Primal Scream, n’est qu’un petit prétentieux. Mais PrimaI Scream est un groupe d’authentiques tarés. Bobby est cool et je m amuse bien avec eux. Parfois, je me demande ce qu’un vieux de 53 ans fait avec ces mecs. J’ai joué sur scène avec eux à Londres, la majorité du public avait 12-13 ans et, en me voyant, ils m acclamaient. Moi qui croyais leur faire peur avec mes grimaces (rires)… Ils disaient qu’ils m aimaient. Les Primal Scream sont comme les Rolling Stones à leurs débuts. On me demande ce que ça me fait d’avoir été samplé par Snoop Doggy Dogg. Mais personne ne réalise qu’on ne peut pas sampler mon Bow wow wow yippie ya yippie yeah. Il fallait donc que je sois en studio avec lui. Mais je compte bien reprendre un jour le concept du cabot salace qu’il m a piqué! En attendant, il le garde en vie. J’essaye d’être le plus souvent possible sur les disques des rappers c’est toujours mieux que de les laisser me sampler. Je connaissais Dre et Ice Cube bien avant qu’ils n’enregistrent. C’étaient encore des mômes, ils faisaient les DJ’s à des gigantesques fêtes dansantes de 3000 personnes sous le nom de Uncle Jam Army. Je connaissais aussi Chuck D, de Public Enemy, lorsqu’il était encore au collège. C’étaient tous des fans. J’aimais beaucoup Public Enemy mais pas tellement NWA. En fait, c’étaient des gosses de banlieue plutôt aisés qui jouaient aux durs, essayant désespérément d’avoir l’air dangereux, alors qu’ils étaient loin d’être des gangsters. Ils ne connaissaient pas les lois de la rue. Lorsque j’ai travaillé avec Ice Cube, récemment, nous étions en route pour le studio et il a téléphoné, à sa femme en disant «Chérie, je suis avec Mister Clinton, nous allons au studio. Je t’aime ». Pour la première fois, j’étais très fier de lui. Il a remis ça un kilomètre plus loin, toujours avec des « je t’aime » plein la bouche. Et une troisième fois, quinze minutes plus tard, pour lui dire qu’on risquait d’être un peu en retard. C’est vraiment un mec bien. Je ne comprends pas son besoin de dire des conneries comme « j’ai frappé cette salope enceinte dans le bide » dans l’un de ses morceaux. Ça me dépasse. Il a une femme et un gosse, et la plupart des gens qui travaillent avec lui sont des femmes. Quand on en parle ensemble, il me dit que c’est pour faire du fric, que c’est le truc à la mode.
Te sens-tu à l’aise dans ce rôle de parrain’
Je connais un gosse dont la mère était furax à chaque fois qu’il passait un disque de hip-hop qui samplait James Brown ou moi. Elle lui disait «Tu ferais mieux d’écouter les originaux. » Lorsque Me, myself and J de De La Soul est sorti, elle a vraiment râlé parce qu’il est piqué note sur note sur le Knee deep de Funkadelic. Le môme a regardé sa mère et lui a dit, incrédule, «Ouais, je suppose que c’est encore un morceau de ton Monsieur Clinton, n’est-ce pas ? » Lorsqu’elle a posé Knee deep sur la platine, il n’en a pas cru ses oreilles. Il s’est précipité sur le téléphone pour appeler ses amis «Hey ! devinez quoi, les mecs, j’ai un remix incroyable de quinze minutes du dernier De La Soul ! »
As-tu sorti ton dernier Dope songs pour prouver à ces jeunes ce dont tu es capable
Il est centré autour du concept des chiens dressés pour dénicher la drogue. Loin de moi l’idée de défendre les drogues, mais il me semble que la polémique des autorités autour d’elles est plus dangereuse que s’ils en faisaient la promotion. Dire non à la drogue est l’incitation la plus efficace les gosses vont automatiquement se ruer dessus ? c’est la première des grandes règles en psychologie, tout le monde sait ça. Ils font tellement d’argent avec leurs publicités pour soi-disant réhabiliter les toxicomanes. Quelle hypocrisie ! A Los Angeles, le clergé a été consterné lorsque les gangs ont signé une trêve dans leur guerre: du coup, ils risquaient de se voir retirer les bourses du gouvernement pour leurs programmes destinés aux jeunes. Auparavant, les filles appelaient les mecs « dirty dog » et les mecs surnommaient les filles «bitch » (chienne) sans aucune connotation négative. Mais le gouvernement a tout perverti. Tant que les rappers se menaçaient par micros interposés ou même en réalité, Washington n’en avait rien à foutre. Du jour où Chuck D et KRS One se sont attaqués au gouvernement dans leurs rimes, les autorités ont commencé à mettre leur nez dans le hip-hop et à faire campagne contre les paroles prétendument dégradantes pour les femmes. Quand j’étais môme, on jouait beaucoup aux dirty dozens, ces blagues pour se moquer d’autrui en plaisantant (genre « ta mère est tellement plate qu’on pourrait la faxer »). Nos cibles, c’était les mères et les chaussures. Ça n’était jamais un problème, jusqu’à ce qu’une tierce personne intervienne en disant «Ouh, tu as entendu ce qu’il a dit sur ta mère ? » Et là, il y avait bagarre.
C’est ce que le gouvernement et les médias font pour le rap. Pour stopper l’effet, il faut d’abord chercher la cause et l’enrayer. Une seule solution : éduquer. Les instituteurs et les professeurs devraient être les professions les mieux payées. Moi, je suis payé pour tenir ma promesse: conserver le funk. Le funk est un état d’esprit, une mentalité. Il inclut la musique, l’environnement, l’odeur, l’attitude. Le funk, c’est lorsque ru as fait le mieux que ru pouvais
? et qu’aucune culpabilité ne peut plus t’atteindre.
{"type":"Banniere-Basse"}