Geoff Barlow, la moitié musicale de Portishead, raconte l’album Dummy : « les pros me traitent de gugusse ».
« Beth n’aime pas chanter en studio. C’est un véritable calvaire pour elle, je suis obligé de la soutenir, de lui parler tout doucement. Lorsque je suis trop concentré sur la production, j’oublie d’être diplomate avec elle. Alors on se chamaille, elle fait la tête… Parfois, j’arrive à enregistrer sa voix en quelques prises, en quinze ou vingt minutes : c’est terriblement jouissif. Sinon, il faut attendre une heure ou deux avant un résultat satisfaisant, le labeur prenant alors le pas sur la spontanéité.
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J’écris les musiques toujours en premier, le plus souvent à partir d’un clavier. Ensuite, Beth et moi discutons des mélodies : on se met d’accord sur un climat, une ambiance générale, et deux ou trois jours plus tard, Beth me propose une mélodie de chant. Je n’ai jamais fait un seul commentaire sur ses textes.
Dans le studio, nous avons un grand tableau noir sur lequel nous inscrivons le titre des chansons et leur style : lent, très lent, triste, soul, mélancolique… Le tableau noir est un outil essentiel pour organiser un disque comme Dummy, pour éviter les répétitions, les redites inutiles.
Ma méthode d’enregistrement est assez étrange, mais elle convient parfaitement à Portishead. Je fais la plus grosse partie du travail au studio State Of Art un petit seize-pistes dans une zone industrielle, près de Bristol. J’installe tout le matériel dans une seule pièce, avec quelques micros d’ambiance. Nous jouons à trois, en prise directe : batterie, basse et guitare. Ce qui devrait normalement constituer une maquette devient alors la base du morceau. Je sample ce que nous avons joué et concentre l’ensemble sur quelques pistes. Je trafique le son, j’ajoute des effets, d’autres échantillons. Ça donne ce son écrasé, intime. Enfin, au tout dernier moment, nous louons un vrai studio professionnel pour y enregistrer la voix de Beth et mixer l’ensemble.
Les pros de la technique ne comprennent pas cette méthode, ils me traitent de gugusse, me disent que je devrais accorder plus de soin à la batterie et à la basse mais moi, je me sens parfaitement à l’aise comme ça.
Notre deuxième album sera enregistré dans les mêmes conditions.
Le son de Dummy m’enchante : je n’ai pas besoin d’aller voir plus loin. »
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