Une country sainte-nitouche bousculée par une voix d’exception : grand album de la rentrée. A San Francisco, naguère Babel béate et crépusculaire de l’orgie hippie, les surlendemains de fête se parent de langueurs lacrymales : les enfants de l’utopie n’en finissent plus de dresser les tentures noires d’un deuil digne, harmonieux et saisissant. American Music […]
Une country sainte-nitouche bousculée par une voix d’exception : grand album de la rentrée.
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A San Francisco, naguère Babel béate et crépusculaire de l’orgie hippie, les surlendemains de fête se parent de langueurs lacrymales : les enfants de l’utopie n’en finissent plus de dresser les tentures noires d’un deuil digne, harmonieux et saisissant. American Music Club, Swell, Mazzy Star, Red House Painters, aujourd’hui Tarnation, c’est comme si San Francisco n’avait pas assez d’yeux pour pleurer ses fastes passes, abandonnée au spleen sans retour de gosses désenchantés. Les fleurs ornent désormais des tombes et la brume est partout. Dans ce dédale de tourments, la country triste de Tarnation est comme chez elle. Echappée des grands espaces, noyée dans un écho mystique, elle s’ensable en valses engourdies et moelleuses dans le marécage d’une instrumentation bien trop hiératique pour être honnête. Tarnation, c’est d’abord la voix hantée de Paula Frazer, fille de pasteur et déjà madone de la geste country. Une madone que la liturgie embête et qu’on verrait bien suivre Caria Bozulich et ses Geraldine Fibbers vers les déchirures électriques d’un country-punk méphitique. Mais Tarnation – le groupe – veille, sage et docte : pas question pour lui de se laisser entraîner en ces lieux de perdition, trop loin du Grand Ole Opry et de ses traditions ancestrales. Alors, Paula Frazer s’adapte, joue sur du velours des ballades charbonneuses et effarouchées, apprivoise la coutume nashvillienne de son falsetto de glace pour mieux la tromper. -Gentille créature ? A d’autres. Sous couvert du classicisme de chansons ombrées, Paula Frazer règle ses comptes avec ses démons : le chagrin, le désespoir et la folie. Un combat souterrain et jamais douteux. Car on ne résiste pas à cette voix-là, taillée dans le diamant pour s’imposer aussi bien à un groupe trop frileux qu’aux truismes d’une musique calibrée. C’est elle qui guide Tarnation en terre amie, au rythme alangui d’un disque empli de charme et de contradictions, presque parla force. Tous, on lui rend grâce pour son opiniâtreté.
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