Sous un nouvel alias, la plus célèbre popstar méconnue d’Angleterre signe un nouvel album débordant de merveilles musicales.
Lawrence (Hayward pour l’état civil) fut à la tête de trois des groupes cultes les plus appréciés du Royaume-Uni depuis les années 1980 (Felt, Denim et Go-Kart Mozart). Parfois ignoré par le passé, toujours malchanceux, Lawrence rumine encore le rendez-vous manqué qu’il a failli avoir avec la célébrité. C’est devenu le leitmotiv de sa vie de musicien et le moteur d’une carrière qui se poursuit depuis plus de quarante ans. Et on le comprend – enfin s’il existe véritablement une personne qui possède toutes les clefs pour comprendre cet excentrique parmi les excentriques –, car le musicien est l’un des plus grands orfèvres musical de l’Angleterre.
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Sa quête d’absolu pop l’a vu troquer les guitares pour les synthés dans les années 1990, et se tirer une nouvelle balle dans le pied dans sa course au succès : à l’époque, il refuse certains concerts avec Denim. “C’était un groupe qu’il ne fallait pas voir. Je voulais que ce soit un groupe de dessin animé, ce que Gorillaz a fait bien des années plus tard. Je ne voulais exister qu’à travers la vidéo”, explique-t-il dans une interview donnée au magazine Record Collector en 2019. Un rêve de transmutation en celluloïd, une posture qui tient plus de la performance artistique que du plan de carrière.
Un sourire béat au visage
Le narcisse désenchanté signe son retour sous le nouveau patronyme de Mozart Estate. Un projet qui s’inscrit dans la continuité de Go-Kart Mozart, fondé en 1999, et qu’il avait nommé ironiquement “le premier groupe de faces B au monde”. Mozart Estate pourrait se définir comme la rencontre entre les Monty Python, le glam-rock, des synthétiseurs (sous la pluie), une assemblée de rockabs façon The Juicy Fruits (échappés de Phantom of the Paradise) et de la musique de cartoons dans un pub londonien.
L’album lorgne notamment vers les seventies, une décennie qu’affectionne particulièrement Lawrence – contrairement à la suivante, comme il le chantait dans I’m Against the Eighties (qui clôt l’album Back in Denim en 1992). Le manège démarre pied au plancher et ne s’arrêtera qu’après nous avoir collé un sourire béat au visage au bout de 16 tours de pistes et autant de morceaux uniques. À l’instar de brûlots punks (roulés dans des étoiles en sucre colorées), aucun morceau ne dépasse les trois minutes. Lawrence frappe toujours vite et juste. Rien que le titre Relative Poverty raconte plus de choses sur notre époque que ne le fera Coldplay en dix albums.
Sous la casquette à visière de plastique bleu, le talent mélodique est toujours présent. Lawrence arrive à émouvoir et à amuser de concert grâce aux quelques notes fragiles de piano sur Flanca for Mr Flowers. Vocalement en forme, le Londonien pose son chant désabusé sur des déluges de nappes électroniques, aussi légères que du sucre glace malgré la noirceur de certains thèmes abordés (And Now the Darkest Times Are Here). Honey, palme de la plus belle balade glam de l’année, se chante volontiers à genoux dans les rues pluvieuses de Belgravia. Délire inspiré, exubérant gâteau à la chantilly fait de couches de sons plus fines et inventives à chaque écoute, ce nouvel album est l‘un des meilleurs qui soit sorti du cerveau fiévreux de Lawrence depuis des années. Un bonheur pop total !
Pop-Up! Ker-Ching! And The Possibilities Of Modern Shopping (Cherry Red Records). Sortie le 27 janvier.
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