Après quinze années de bombardements soniques, les CHEMICAL BROTHERS retournent sur le dance-floor, mais en chaussons.
Le septième album des Chemical Brothers s’appelle Further : on peut traduire son titre par “Plus loin” et affirmer que c’est un mensonge. Car dans la recherche sonique comme dans son jumelage toujours compliqué avec une écriture éthérée ou plus franchement pop, les deux Anglais sont déjà allés beaucoup plus loin dans le passé. Album tassé plus que tabassé, dense plus que dance, Further ne s’éloigne ainsi pas d’un sillon labouré obsessivement ; Further ne va pas plus loin, mais plus profond.
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Vétérans d’une génération décimée par les guitares dominantes de ce siècle – où sont, artistiquement, Fatboy Slim, Orbital, Prodigy, Leftfield ou Underworld en 2010 ? –, les Chemical Brothers ont donc abandonné ici toute tentative de faire du rock turbo-dynamique à base de beats exorbitants et de voix importées. Finie, donc, l’époque où, de Noel Gallagher à Midlake, de Mazzy Star aux Klaxons, les chants se bousculaient au portillon de cette discothèque de guingois, outrancière, psychédélique, protéiforme. Hormis la folkeuse Stephanie Dosen, ce sont aujourd’hui les deux garçons qui chantent – d’une voix pâle, horizontale et désincarnée, qui sent le fonctionnel, la peur du blanc.
Car l’important est ailleurs : dans une science maniaque de la robotique, dans une dynamique apaisée mais vicieuse. Sans pyrotechnie, sans effets dramatiques de samples et percussions, les Chemical Brothers retournent au dance-floor : aux tapageurs hits (dans le sens “frappe militaire”) d’il y a dix ou même quinze ans, ils développent ici, en univers clos, une sorte de krautrock à base d’outils vintage et de répétitions infinies – ils semblent avoir dévalisé l’arsenal de Kraftwerk à plusieurs reprises.
Le problème, c’est qu’une fois passée l’excitation de l’élégiaque Snow et du kinétique Escape Velocity – qui sur tout autre album des Londoniens aurait servi de tremplin à une orgie –, le vol se stabilise, en pilotage un peu automatique, sans turbulences, sans détournements. L’introduction ressemble à la conclusion, pour un album finalement assez sage et aux reliefs prévisibles, complément sonique des gros livres d’art contemporain qui ronronnent et prennent la poussière sur les tables de salon. En 2010, pour retrouver l’excitation, l’urgence et l’imprévisibilité des Chemical Brothers, on préfèrera les Crookers à cette médecine douce, à ce placebo d’euphorisant.
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