Dévoilé en septembre dernier en Angleterre, le premier album de Bat For Lashes est une sorte de puits ensorcelé sur lequel sorciers et fées modernes, de Thom Yorke à Björk, se sont penchés afin de prévenir leurs semblables des risques encourus : vertiges, hallucinations, apparitions d’animaux étranges, odeurs de sous-bois hantés et traversées intempestives de miroir.
Pas mal, comme cadeau de baptême, que ces hommages envoûtés – auxquels s’ajoutèrent ceux de Jarvis Cocker ou de Devendra Banhart –, alors que, moins d’un an auparavant, le (faux) groupe concourait pour l’édition 2006 de CQFD !
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Seconde peau d’une jeune sauvageonne nommée Natasha Khan, 29 ans, Bat For Lashes s’apparente plus volontiers à un sortilège sonore qu’à un ordinaire projet pop. En cela, il réanime une fois encore ce vieux songe anglais qui, depuis quarante ans, cherche à unir dans un tourbillon magique instruments traditionnels aux patines anciennes – médiévales, élisabéthaines – avec les modernités du moment.Il y a eu le folk psychédélique anglais incarné par Fairport Convention et ses sirènes droguées (Judy Dyble et Sandy Denny), la muse gothique du rock progressif Kate Bush puis sa petite sœur punk Siouxsie, les valeureux Cocteau Twins dans l’environnement hostile des années 80 ou encore l’inodore cousine américaine Tori Amos. Il faut compter aujourd’hui avec la belle Natasha, dont les origine pakistanaises et la bougeotte perpétuelle (elle a résidé à San Francisco, dans le sud de la France et dans la campagne anglaise, avant de planter son décor à Brighton) apportent un peu d’air et de mouvement à ces vieilles articulations musicales endormies.
Des articulations qu’elle réveille en sursaut au son du clavecin hypnotique et des turbulences d’ondes Martenot sur Horse and I, le titre qui ouvre Fur and Gold et déploie d’emblée une atmosphère surréelle, telle une chevauchée fantôme sous une pluie d’étoiles dont elle serait l’amazone gazeuse, dans un majestueux ballet d’apparitions et de transparence. Sur l’autre single paru depuis l’album, What’s a Girl To Do , où les timbales spectoriennes tambourinent aux portes d’un autre songe éveillé, l’orgue d’église et la harpe virevoltent au clair de lune pendant que la voix feu follet magnétise une mélodie flippante qui rappelle les films de Dario Argento – en témoigne la vidéo géniale qui l’accompagne.
Fur and Gold ressemble un peu au brassage de tout ça, reconfiguré XXIe siècle par David Kosten, le magicien de Faultline, qui a su autant canaliser certaines figures de styles trop clinquantes – il en reste quelques-unes, comme ces anodines ballades au piano – qu’à révéler en ombrages discrets ou grands ornements des chansons qui naviguent entre la chamber pop et l’electronica expressionniste. Quant à la présence maléfique, sur plusieurs titres, de Josh T. Pearson de Lift To Experience – voix de maître vaudou et guitare à tisser des cauchemars –, elle apporte un contrepoint idéal à l’évanescence féminine de ce disque sans cesse en quête de merveilleux et d’étourdissement. Et qui, du coup, tamise çà et là d’une part d’ombre sa beauté aveuglante.
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