Un piano en suite d’accords majeurs et mineurs, un violoncelle, une trompette et un orgue superposés, le même piano martelant deux notes ténues, l’océan en fond sonore, puis des bruits domestiques et, surtout, cette basse à la fois sèche et molle, tissant un motif arachnéen : la petite pièce sans titre qui ouvre Fugu 1 […]
Un piano en suite d’accords majeurs et mineurs, un violoncelle, une trompette et un orgue superposés, le même piano martelant deux notes ténues, l’océan en fond sonore, puis des bruits domestiques et, surtout, cette basse à la fois sèche et molle, tissant un motif arachnéen : la petite pièce sans titre qui ouvre Fugu 1 donne le ton. Cet album sera celui d’un homme sous influence, en même temps que celui d’un virtuose Mehdi Zannad donc, un polyinstrumentiste surdoué et accessoirement nancéien. Fugu, c’est lui, projet musical placé sous le haut patronage de la sainte trinité (Beach Boys, Beatles, Kinks) et de cet autre brelan de mousquetaires (Zombies, The Left Banke, Love), tous bretteurs émérites, antiques pontes de la pop symphonique. On l’aura compris, Mehdi Zannad travaille à l’ancienne.
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Croulant sous les références et les citations, Fugu 1 se présente comme un proverbial labyrinthe sonore, où tout est balisé, fléché ; on y chemine, confiant, entre des haies vives de cordes, de bois, de cuivres et de chœurs, plus guidé par le son du clavecin que par la voix de verre de Mehdi Zannad, tellement timide qu’elle se fond dans la foisonnante matière sonore et qu’il faut tendre l’oreille pour l’entendre, comme n’importe quel autre instrument. Tout cela pourrait sentir le moisi, n’était l’exubérance confondante de la démarche, feinte innocence que confortent des bases rythmiques et mélodiques d’une simplicité biblique. Ainsi, cet autre instrumental, baroque et sans titre, où la prosodie se résume aux gémissements d’un nourrisson, comme pour exalter la pureté des intentions. Au Japon, le fugu, mets délicat par excellence, est un poisson dont la préparation nécessite le plus grand soin, sous peine d’empoisonner celui qui le consomme. Tant qu’à verser dans la métaphore facile, on ne saurait trop conseiller de consommer ce Fugu-là sans modération. Le seul poison qu’il distille est celui d’une nostalgie d’autant plus biaisée qu’elle convoque des souvenirs fantasmés. Car qui avait l’âge d’écouter Love en 1967 ?
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