KLF retrouvait la scène à Londres après cinq ans de sabbat turbulent. Pour 23 minutes pleines comme un oeuf. Fêlé. Il y a dix ans déjà, KLF posait, sur un album du même nom, une question essentielle : “1987, what the fuck’s going on’” Vu que personne n’a encore pu répondre et que rien ne […]
KLF retrouvait la scène à Londres après cinq ans de sabbat turbulent. Pour 23 minutes pleines comme un oeuf. Fêlé.
Il y a dix ans déjà, KLF posait, sur un album du même nom, une question essentielle : « 1987, what the fuck’s going on' » Vu que personne n’a encore pu répondre et que rien ne s’est arrangé, KLF renaît de ses cendres et pose de nouveau la question : « 1997, what the fuck’s going on' » Sauf que cette fois-ci, plus question d’acid-house : sur le nouveau single Fuck the millennium, leur légendaire What time is love a été défiguré par une fanfare de rue et une chorale de patronage. Il aura fallu la foi d’un certain Jeremy Deller pour faire revenir KLF désormais baptisé 2K, pour brouiller des cartes déjà largement froissées par une myriade de pseudonymes à la scène. Et une idée : l’acid-house est la première culture populaire anglaise depuis Elvis Presley chacun sachant que les punks n’étaient que des étudiants en art et les fans des Beatles des bourgeois gentilhommes. Pourquoi, alors, ne pas lui faire rencontrer une autre culture typiquement populaire anglaise : les fanfares de rue. Ainsi naquit le concept d’acid-brass : Jeremy Deller invite la fanfare du Williams Fairey Band la meilleure du pays, élue à ce titre cocassement prestigieux en 95 et 96 à reprendre A Guy Called Gerald, KLF ou 808 State. Quelques mois après, au Barbican Center de Londres, KLF retrouvait donc, le 17 septembre dernier, la scène après cinq ans d’activités principalement extramusicales : provocations dans les milieux de l’art conceptuel, manipulations médiatiques… Le concert, annoncé depuis des mois il avait été repoussé pour cause d’accident de Mercedes royale , prévoyait, en 23 minutes chrono, de « discuter des 840 prochains jours de notre existence ». On saurait ainsi ce que nous réserverait la fin de millénaire. On le sut très vite, par une banderole rageuse : « Fuck the millennium. » Et si le xxème siècle s’achève dans une telle hystérie, on n’a effectivement pas fini de rigoler. Dès l’intro du concert un sermon savoureux signé Tony Wilson, fondateur de Factory Records , le ton était donné : il y aurait ce soir-là de l’imposture, du chaos, du rire et du génie. Jamais il n’y en aura eu autant en 23 minutes. Car pour son retour aux affaires, KLF a joué tassé, télescopé, tout en collages baveux : pendant qu’une bande-son dégueule un What time is love hurlé au porte-voix, la fanfare exhibe ses cuivres rutilants ; un groupe emmené par le sauvage Donald Johnson activiste de toute la danse mancunienne depuis plus de vingt ans joue dru et sec ; une chorale de marins-pêcheurs en ciré et gilet de sauvetage, rames à la main, vocalisent comme une brute ; Jimmy Cauty et Bill Drummond (KLF), en pyjama et chaises roulantes, se livrent à un grotesque combat de Mad Max paraplégiques ; Jeremy Deller, en costume lamé Elvis, harangue la foule. C’est déjà beaucoup, à la fois comique et quand même impressionnant on n’a pas tous les jours vu Prodigy jouer avec la fanfare de Vierzon au Jour du Seigneur à l’asile de Sainte-Anne , mais ça ne suffit visiblement pas. Alors monte sur scène une délégation des dockers de Liverpool, en grève depuis des années et en belle lutte contre le monde en marche, grain de sable bourré de tétanos dans le soulier verni du libéralisme. Ils chanteront un vieux chant de marin (For those at sea), Fuck the millennium et Que sera sera sans jamais se faire récupérer par le show. Banderoles à la main et poing levé, l’euphorie désespérée, ils sont le spectacle de la soirée, autrement plus rageurs et bouleversants que dans les films secs de Ken Loach. Ce soir-là, les rockeurs s’effaceront derrières les dockers.
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