Vingt ans après la disparition de son père, Lulu Gainsbourg sortira à l’automne un album de reprises de chansons “de papa” au casting époustouflant. Rencontre avec l’héritier de la plus grande fortune musicale de France.
Ton parcours ressemble à celui de Sean Lennon : tu as été élevé par ta mère et tu as vécu avec l’absence d’un père devenu culte. Vous connaissez-vous ?
Oui, on se connaît. Sean est adorable, un peu fou : il vit dans un autre monde, avec un univers très fort. Je crois beaucoup en son nouveau groupe. On avait pensé collaborer pour le disque mais on n’a pas eu le temps. On n’a jamais parlé de l’absence de nos pères : on connaît nos histoires respectives, qui sont en effet parallèles. On a préféré jouer de la musique chez lui. Sean avait repris Comic Strip de mon père avec Matthieu Chedid. Je connais bien Matthieu aussi d’ailleurs, dans la série des “fils de”. Il joue deux fois sur l’album.
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As-tu pensé à faire chanter ta soeur Charlotte sur l’album ?
J’y ai pensé tout comme j’ai pensé à Jane et à ma maman. Mais c’était un projet personnel et j’ai décidé que je ne voulais personne de la famille sur le disque. Avec Jane, on avait partagé un duo lors d’une soirée-hommage à la Salle Pleyel. Je vois Charlotte de temps en temps. Nous avons quatorze ans d’écart et un océan entre nous mais on reste en contact.
Comment faire le deuil d’un père qui est présent partout, à la radio, à la télévision ?
Le plus dur, ça a été pour ma mère. Elle était en âge de comprendre ce que signifie perdre un amour. Ça oui, elle en a chié. Elle s’est retrouvée seule avec un fils à élever à 32 ans. Deux ans après, elle a eu une leucémie. J’ai failli me retrouver orphelin, je m’en souviens très bien. Ma mère s’est battue. Elle se bat encore et elle n’est pas près de partir. Elle a assuré le rôle de père en plus du sien. Ce que je suis devenu aujourd’hui, ça ne s’apprend pas tout seul, c’est merci maman.
Que t’a-t-elle enseigné ?
Elle m’a appris à m’adapter et elle m’a prévenu que rien n’était simple, que le bonheur n’était pas acquis. Je n’ai pas vécu loin de la réalité, dans une prison dorée. Je n’ai pas grandi en prenant des taxis. Ma mère vient de la rue, elle a été abandonnée à 6 mois puis a eu une enfance très dure. Elle m’a enseigné que tout n’est pas rose. J’ai été préparé pour la vie, pour les coups durs. Ça m’a certainement rendu autonome, voire solitaire. A 3 ans, j’ai dit à ma mère que je voulais partir. Elle a halluciné, elle s’est dit que je ne l’aimais plus ! Alors elle a commencé à m’envoyer en colonie plusieurs fois par an. Mon père était content, il venait me voir. C’était un événement quand il arrivait.
Pourrait-on un jour te renommer Lulu Gainsbarre ?
Je suis à des années-lumière de ça ! Je ne bois pas, je ne fume pas, je ne prends pas de drogues. Ça vient forcément de ce qui est arrivé à mon père. Je me suis déjà demandé s’il aurait été aussi brillant et créatif sans l’alcool. Je me suis aussi demandé s’il allait falloir que je devienne alcoolo pour briller (rires)… Mes drogues sont différentes : le cinéma, la musique… C’est une rigueur que je me suis imposée seul : ma mère n’a jamais cherché à me protéger des drogues ou de l’alcool, elle m’a toujours laissé libre. C’est elle qui m’a fait fumer ma première clope. Je devais avoir 11 ans et j’ai toussé comme un porc. Elle m’a dit : “Voilà ! Comme ça, tu as essayé.” J’ai vu que ça ne m’apportait rien et que je n’avais pas besoin de ça pour me mettre au piano.
Penses-tu déjà à la suite ?
J’aimerais faire des musiques de films ou un album en mon nom. J’ai composé quelques morceaux, déjà. Mais j’avais d’abord besoin de publier ce disque, d’en faire comme un cadeau à mon père pour pouvoir me lancer à mon tour. Je n’ai pas l’impression de prendre mon envol cette année : je suis derrière l’arrangement mais les musiques et textes existaient déjà. Pour la suite, j’ai plein d’envies mais je n’ai pas de plan fixe.
Album : From Gainsbourg to Lulu (Mercury/Universal), sortie à l’automne.
Concerts : 2/11 à Clermont-Ferrand, 8/11 à Paris
(Casino), 10/11 à Bruxelles, 12/11 à Saint-Lô
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