Au début des années 80, la musique de Virginia Astley était un mystère de fraîcheur, que l’on réédite sans le percer. A cette époque déjà presque la préhistoire et en plein cafouillage new-wave sortait un disque à l’épais mystère dissimulé sous une pochette pastel et au titre non moins bucolique. Réveillé par des […]
Au début des années 80, la musique de Virginia Astley était un mystère de fraîcheur, que l’on réédite sans le percer.
A cette époque déjà presque la préhistoire et en plein cafouillage new-wave sortait un disque à l’épais mystère dissimulé sous une pochette pastel et au titre non moins bucolique. Réveillé par des chants d’oiseaux sur fond de piano maigrelet et de flûte oisive, on plongeait littéralement dans ce From gardens where we feel secure comme dans un caisson sensoriel, où le titillement induisait un bien-être inextinguible, une douce euphorie. On comprenait vite que derrière les sensations se cachait un concept : Virginia Astley égrenait une journée printanière d’enfant dans la campagne anglaise. Loin des pièges du genre, c’était un petit miracle d’inventivité, entrelaçant envolées pianotées et flûtes en volutes avec des bandes enregistrées dans la nature. C’était comme un rire de jeune fille dans un vieux film de Rohmer, comme un écho lointain d’enfance insouciante à la campagne. Après la déconvenue d’un album à l’orientation franchement pop pour une major l’année suivante et hormis quelques apparitions comme musicienne de session, Virginia Astley se retirait du circuit et devenait thérapeute musicale tout en élevant sa fille Florence, qui apparaîtra sur les disques suivants. All shall be well sort neuf ans plus tard sur une invitation de Japonais qui l’ont élevée au rang de culte.
Sous l’impulsion d’un quatuor à cordes qui leur insuffle une étonnante dynamique, les comptines préraphaélites de Virginia Astley suintent cette fois leur essence pop. Une pop éclaboussée de flûte, de hautbois, de piano ou de clavecin qui n’a plus honte de son ascendance, comme sur le lumineux Blue sky white sky emprunté à un thème de Mozart. Le grand écart entre une culture classique affirmée et une arborescence pop trouve son apogée dans ce qui aurait pu devenir des tubes même si on ne parle pas cette langue chez Virginia Astley , les lumineux All shall be well et You take me away. Dans la foulée, elle publia un an plus tard Had I the heavens, avec une palette sonore enrichie de quelques détails d’accordéons, synthés, guitares ou d’une occasionnelle section rythmique. Virginia Astley y cultive toujours ses nobles mélodies et sa retenue dans un disque cette fois plus mélancolique que nostalgique, un album qu’on aurait qualifié de transition vers une suite ouvertement pop si seulement il avait eu un successeur. On ne sait rien de ses projets actuels, mais à l’aune de ces trois rééditions, on mesure l’impact de son coup d’essai, que certains n’hésitent pas à étalonner « premier disque new-age » quel vilain mot pour une aussi jolie chose , et la trace durable qu’elle laissera chez ses congénères. Car elle fait partie de ce club qu’on désigne souvent de deux manières : celui des artistes cultes ou des musiciens pour musiciens. Un club qu’on aimerait voir grossir à l’occasion de ces rééditions.
Renaud Monfourny
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