On sait à la fois pas mal de choses et rien d’intéressant sur la mort d’Elliott Smith. On sait qu’il est décédé de deux coups de poignard dans le cœur, le 21 octobre 2003. On a entendu dire qu’il était alors très drogué, puis qu’il ne l’était pas du tout, puis que sa copine de […]
On sait à la fois pas mal de choses et rien d’intéressant sur la mort d’Elliott Smith. On sait qu’il est décédé de deux coups de poignard dans le cœur, le 21 octobre 2003. On a entendu dire qu’il était alors très drogué, puis qu’il ne l’était pas du tout, puis que sa copine de l’époque, une certaine Jennifer présente dans la pièce d’à côté, n’aurait pas réagi, puis que les secours n’auraient été prévenus que quelques heures après le drame. Aussi mystérieuses qu’elle soient, les péripéties de cette pathétique disparition ne présentent aucun intérêt, dans la mesure où elles n’éclairent en rien l’histoire du type qui a écrit les ballades les plus lumineuses de la dernière décennie. On retiendra, en revanche, deux ou trois choses dites sur l’album From a Basement on the Hill. On sait par exemple que, du vivant d’Elliott Smith, l’album aurait été refusé par la maison de disques (Dreamworks), les directeurs artistiques de cette dernière l’ayant trouvé « trop triste« .
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Heureusement pour tout le monde, ce sont la mère d’Elliott Smith et son ancienne petite amie Joanna Bolme qui ont récupéré les bandes dans le studio personnel d’Elliott, New Monkey. Il faut reconnaître qu’au final ce disque ne ressemble en rien à une compilation post-mortem de fonds de tiroir destinée à renflouer les comptes des ayants droit. Il s’agit plutôt du prototype, en modèle réduit, d’un véritable album pensé par Elliott Smith. En ne voyant les choses que sous cet angle, il y a de quoi se réjouir. Certes, il s’ouvre assez tristement : « I ve got no new act to amuse you » (« Je n’ai pas de nouveau numéro pour vous faire rire« ) annonce d’emblée Elliott Smith sur un Coast to Coast qui, sur l’échelle de Richter folk-pop, s’approcherait plus du niveau d’un single de Badly Drawn Boy que de celui d’un morceau de Neil Young. Mais si le titre demeure anodin, il a au moins le mérite de prouver à nouveau le lien de filiation qui relie Elliott Smith aux Beatles : comme eux trente-cinq ans plus tôt, Elliott y double sa voix, et sa voix est deux fois plus belle. Les Beatles qu’on retrouve d’ailleurs, plus que jamais, sur le splendide Pretty (Ugly Before), dont les cendres du solo de guitare devraient être dispersées dans le Gange pour George Harrison.
Mais il faut dire la vérité : c’est lorsqu’il délaisse les guitares électriques et revient à un style beaucoup plus dépouillé qu’Elliott porte le mieux son bonnet de magicien. Ainsi ce Last Hour qui semble émaner directement d’un vieux carton de demos de l’album Either/Or. Dix ans plus tard, Elliott enfante la petite sœur de sa pépite d’antan Say Yes : elle a les mêmes yeux et on en pleure de joie à l’accouchement. Au milieu de tout ça, un peu paumé, flâne l’émouvant A Fond Farewell (« Un tendre adieu« ). Dans un autre contexte, on y aurait vu la touchante histoire d’un au revoir à un camarade ou d’un adieu à un(e) amant(e). Aujourd’hui hélas, le titre prend une tout autre dimension et, conscients qu’il s’agissait peut-être là d’une déclaration adressée à lui-même, nous nous contenterons d’y voir une jolie révérence à Elliott Smith, un type qui, à force d’écrire des comptines avec de l’amour dedans, était devenu l’ami de beaucoup de gens.
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