Culotté, le premier album de ce groupe de Brooklyn déballe une pop animale et sexy, bourrée de références et pourtant intemporelle. Écoute et critique.
Le troublant déhanché de Samantha Urbani qui se pavane dans les rues de Brooklyn, ghetto-blaster à l’épaule, sur une suave ligne de basse dans le clip de I’m His Girl aura suffi à propulser Friends sur le devant de la scène à l’automne 2011. Quand on rencontre le groupe de Brooklyn, la chanteuse ne passe effectivement pas inaperçue, regard de félin et drapée des pieds à la tête d’un tissu doré qui laisse entrapercevoir une veste pailletée. Mais elle prévient : “On a tourné le clip dans la rue où on habite ! On n’a jamais défini d’esthétique, ni cherché à sonner eighties. Ça s’est fait comme ça, parce que c’est ce qu’on est !”
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Friends est donc loin d’être une coquille vide : en témoigne Manifest!, premier album dont la pop funky, secouée de percussions tropicales, revêt des habits r’n’b sur I’m His Girl, prend des allures de post-punk angoissant avec Ruins ou s’éprend des Jackson 5 sur A Thing Like This. “On voulait vraiment groover comme eux”, confirme Urbani avec un sourire espiègle.
Pari réussi, l’album retourne têtes et jambes, de Mind Control, cousu de fil disco, à Ideas on Ghost, bombe mélancolique. Mais c’est la charismatique chanteuse qui lui donne toute sa fraîcheur, roucoulant, miaulant ou glapissant comme autrefois Lene Lovich sur Lucky Number.
Manifest! dessine les contours d’une pop éclatée et malicieuse faite par et pour la génération Y, celle qui a grandi dans un océan référentiel, les mains rivées sur le clavier d’un ordinateur. “Internet a eu un impact certain sur notre musique. J’ai toujours beaucoup téléchargé. J’ai d’ailleurs commencé avec un morceau de Metallica sur Napster. Du coup, on a été influencés par des groupes très différents”, raconte Urbani. Avant d’ajouter, amère : “Internet entraîne une illusion : celle d’avoir l’impression de tout connaître alors qu’on se contente de tout survoler ! Le numérique nous pousse à nous éparpiller.”
Friends plonge pourtant tête baissée dans la belle histoire des musiques funky et tordues, des feulements de Santigold à l’euphorie rythmique de Tom Tom Club. “Nous faisons de l’exploration-pop”, lance Urbani, avant d’expliquer vivre “en divorce avec l’époque”. Une exploration qu’il faut absolument découvrir dans l’élément naturel du groupe : la scène. “On aime la spontanéité de la scène, nos morceaux évoluent au fil des concerts, on ne les joue pas tout le temps pareil. En studio, il faut définir la chanson. C’est pour ça que je préfère considérer notre album comme une simple photo qui donne une image de quelqu’un sans pour autant être la personne !”, explique Urbani. Floue, souillée, aveuglante de couleurs, Manifest! est une photo réussie.
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