Après trois ans d’absence, les Anglais de Friendly Fires reviennent
mettre le feu aux dance-floors avec un second album tropical,
charnel et luxuriant enregistré dans le garage de leurs parents. Critique et écoute.
Il aura fallu trois ans à la bande d’Ed Macfarlane pour donner une suite à son premier album. Trois ans pendant lesquels le groupe a tourné plus que de raison, fait chauffer la plante des pieds de milliers de spectateurs, de la campagne anglaise aux immenses plages australiennes. Trois ans d’absence des bacs des disquaires, donc : assez pour oublier un groupe qui s’était vu propulser en haut des charts anglais aussi vite qu’un battement de cils.
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Le trio en est conscient : sa longue disparition aurait pu lui coûter la vie. “Tous les groupes doivent un jour choisir entre le risque de sortir un album rapidement sans être totalement satisfait, et celui d’attendre et de prendre le temps de s’améliorer. Evidemment, nous étions inquiets, on se demandait si les gens voulaient toujours danser, mais bien sûr qu’ils le veulent !”, s’amuse Ed Macfarlane, chanteur aux hanches élastiques dont les prestations scéniques n’ont rien à envier aux stripteaseurs de Vegas.
Loin de l’empressement et des enchaînements calamiteux d’albums bâclés d’autres groupes de leur génération, les Friendly Fires ont en effet choisi de prendre leur temps pour donner vie à leur nouvelle hydre electro-pop. Un temps précieux, loin de l’agitation londonienne, pour laisser libre cours à une imagination débordante : “Qu’importent les lieux où nous sommes, notre musique est toujours spontanée et inspirée sur le moment. Nous improvisons jusqu’à trouver un son qui nous plaît vraiment”, explique Ed.
Né en partie dans un studio de fortune installé à Vitot, petit village de quatre cents habitants perdu au fond de la Normandie dans lequel Macfarlane s’est isolé pour écrire, Pala a principalement été conçu à St Albans, ville au nord de Londres où le groupe a grandi et réside toujours. Là où d’autres auraient profité de leur succès pour aller parader dans les plus grands studios du pays, le trio n’a pas pu renoncer au garage parental dans lequel son premier album avait été créé. “On adore ce garage. On a quand même testé des grands studios, avec plein de matériel, une table de mixage énorme et toutes ces personnes qui t’apportent du café, mais on s’est rendu compte qu’on n’en avait pas besoin, que ça nuisait à notre musique”, lâche Macfarlane.
A l’heure où l’on peut produire un son de qualité sans sortir de sa chambre, les Friendly Fires sont donc restés fidèles à l’éthique DIY pour préserver indépendance et flamme. Libéré de toute contrainte rythmique linéaire, détaché du côté fêtard du premier album, mais toujours vissé au dance-floor, Pala parle au corps, au sang, aux muscles et aux hormones – les soupirs lascifs de Macfarlane (Hurting, Helpless) et les percussions de musiciens sénégalais recrutés pour l’occasion y sont évidemment pour beaucoup.
Grande messe tropicale illuminée, Pala transforme le clubbing en cérémonie d’initiation intense, aussi sensuelle que viscérale. Qu’ils plongent, comme sur Live Those Days Tonight et Blue Cassette, dans une farandole tribale, ou dans le pur fantasme (Pala et son electro-pop charnelle), les Friendly Fires assument le gigantisme de leurs titres, leur incapacité à faire les choses à moitié.
Ils écoutent aussi un besoin urgent de suivre l’instinct et de rêver éveillés, malgré l’angoisse profonde qui transpire de leurs textes. “Pala est finalement assez triste. La majorité des chansons parlent de solitude et de rejet. Elles sont moins naïves sur le fait que le monde restera exactement le même et qu’il n’y a rien à faire pour y remédier. Notre objectif était de faire quelque chose que tu peux écouter en fermant les yeux, à 3 heures du matin sur le dance-floor d’un club, en essayant justement de t’échapper”, confie Ed, songeur.
Pas étonnant, alors, que le titre même de leur album soit inspiré du paradis fictif d’Aldous Huxley dans Ile, roman fondé sur l’espérance utopique du bonheur absolu : échappatoire luxuriante et indomptable d’une jeunesse en manque d’idéalisme, Pala promet effectivement une vie bien meilleure.
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