Trois ans après la sortie de Friendly Fires, les trois Anglais signent un retour aussi torride qu’éclatant avec Pala, second album tropical enregistré dans un garage au fond de l’Hertfordshire. Interview.
Vous aviez une idée précise de ce qu’allait être l’album en débutant l’enregistrement?
Après avoir tourné longtemps sur le même album, c’est vrai que c’était bizarre de retourner en studio. On avait tout l’album à réaliser, c’est à dire surtout, tout à écrire. On est retournés en studio juste après la fin d’une de nos tournées. On n’avait pas vraiment de plan, c’était plus du genre on y va et on verra bien ce que ça donne. C’est uniquement lorsque nous sommes arrivés dedans que nous avons commencé à réaliser à quoi notre album ressemblerait, comment il sonnerait, l’atmosphère générale. C’est vraiment satisfaisant de retourner sur scène après un enregistrement.
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Vous avez tout écrit en studio, du coup ?
Ouais, qu’importent les lieux où nous sommes, notre musique est toujours spontanée et inspirée sur le moment. Nous improvisons jusqu’à trouver un son qui nous plait vraiment. On le retravaille ensuite et on essaie d’en faire quelque chose de spécial. C’est le point de départ de nos chansons, mais il n’y a jamais d’idées vraiment préétablies avant d’arriver en session d’enregistrement, ce qui est d’ailleurs étrange, mais pas plus mal. On s’y est habitué.
Pourquoi choisir d’enregistrer dans votre garage quand vous pourriez avoir accès à des studios de renommés ?
On adore ce garage. On a été dans pleins d’endroits différents, mais la majorité de l’album a été enregistré là-bas. Pour certaines chansons quand même, on est allé dans un studio à Vitot, une petite ville aux alentours de Rouen. J’y suis resté seul pendant un mois pour chercher des idées. Être au milieu de nul part est un peu cliché, mais vraiment inspirant. Pas de télévision ou d’internet, enfin rien pour nuire à la créativité en général. C’était vraiment une bonne expérience.
En fait, vous avez enregistré au fur et à mesure que les idées venaient ?
On n’a pas besoin d’un grand studio, ce qui est un avantage puisque ça nous a laissé le temps que nous voulions pour enregistrer Pala. On avait juste besoin d’un endroit assez grand pour accueillir notre matériel, un micro et un ordi, pas grand chose en fait. On a quand même testé des grands studios, avec plein de matériel, une table de mixage énorme et toutes ces personnes autour qui vous apportent du café. On s’est rendu compte qu’on n’avait pas besoin de tout ça et que ça nuisait plus qu’autre chose à notre musique. C’est juste de la pression en plus. Quand tu vois ces musiciens super talentueux qui te placent tout ce que tu veux en une prise, c’est super déprimant pour nous à qui il en faut vingt-cinq pour arriver à ce que l’ont veut. Quand tu te produis tout seul, tu as le contrôle complet. Les grands studios ne sont pas faits pour nous.
J’imagine au moins que vous avez investi dans un équipement d’enregistrement digne de ce nom. C’est vraiment bien produit quand on sait que cela a été enregistré dans un garage…
Notre position et le succès de notre premier album nous ont permit d’étoffer notre matériel. Même s’il est important d’avoir le nécessaire pour avoir un son de bonne qualité, il est aussi primordial que ce matériel t’offres différentes options. C’est ce qui rend l’enregistrement intéressant et épanouissant : avoir pleins de façons de modeler la musique. C’est pour ça que pleins de grands studios ont du mal aujourd’hui, à l’heure où tu peux faire un album d’excellente qualité dans ta chambre. Enfin, beaucoup de ces albums en sortent quand même vraiment mal produits en général.
En même temps, le résultat est parfois meilleur quand ce n’est pas trop produit.
Exactement et c’est ça le truc. Je pense que notre premier album a beaucoup de charme dans un sens. Avec celui-là, nous voulions encore faire quelque chose de très pop et lumineux. Nous avions encore besoin d’être totalement libre, de tout faire par nous même. C’est très pop mais on sent également une volonté de s’écarter un peu du côté super gai et fêtard du premier album.
On dirait que ces trois ans vous ont quand même transformés…
Je pense que dans les textes, cet album est finalement assez triste. La majorité des chansons parlent de solitude et de rejet. Elles moins naïves sur le fait que le monde restera exactement le même et qu’il n’y a rien à faire pour y remédier. Notre objectif était de faire quelque chose que tu peux écouter en fermant les yeux, à trois heures du matin sur le dancefloor d’un club, en essayant justement de t’échapper à ta manière. Le premier album était également une sorte d’échappatoire mais plus dans le sens de la fuite, de voyages. C’était une compilation de chansons que nous avions depuis longtemps… Pala est un reflet bien plus honnête de nous.
Comme votre premier album, Pala est vraiment porté sur l’aspect rythmique : c’est la première chose que vous travaillez ? Quel est le processus ?
On débute souvent par une idée de rythme qu’on écoute ensuite en boucle jusqu’à réussir à placer quelque chose qui nous excite vraiment par dessus. Sur ce disque, la majorité des chansons n’ont pas un rythme linéaire et bien défini. Nous nous sommes inspirés de pleins de trucs différents pour réussir à avoir quelque chose de particulier sur chaque piste. Certaines d’entres elles sont issues du côté funk et groovy du dancefloor, tendit que d’autres sont beaucoup plus influencées par l’art beat hip-hop de Flying Lotus par exemple. Sur le premier album, nous nous sentions plus proche de la musique de DFA, mais nous avons essayé de nous en écarter un peu, établir un truc vraiment propre à nous.
Comment ça se passe avec XL, votre label ?
Vraiment bien, on est libre de faire absolument tout ce qu’on veut. Quand tu signes sur un label où les gens sont vraiment intéressés par le côté créatif de ta musique, c’est quelque chose d’incomparable. Aujourd’hui, beaucoup de groupes signés sur des majors ne comprennent pas ça, se satisfont dans la simple idée de faire un album. Notre label nous pousse dans le bon sens. On était prêt à leur envoyer l’album mais ils nous ont convaincus de continuer à composer, parce que nous avions le temps. Comme des crétins, on se disait qu’ils se foutaient de nos gueules, qu’ils devaient respecter nos statuts d’artistes et que c’était nous qui aurions le dernier mot coute que coute. Finalement, en s’y remettant, c’est là que Live Those Days Tonight et Hawaiian Air sont sortis. Ils ont été mixés la veille du mastering et sont devenus deux de nos singles et deux de nos titres favoris.
Vous ne pensez pas qu’attendre trois ans avant de sortir votre second album ait pu vous porter préjudice ?
Beaucoup de gens n’attendent pas les albums s’ils ne leur tombent pas dessus. C’est toujours une grande question. Tous les groupes doivent un jour décider entre sortir un album rapidement avec le risque de ne pas être totalement satisfait, ou celui d’attendre et de prendre le temps de s’améliorer. Bien sur, nous étions inquiets, on se demandait si les gens voulaient toujours danser, mais bien sur qu’ils le veulent ! Le fait que l’album sorte juste avant l’été nous rassure, c’est un disque tropical qui va de pair avec le beau temps et l’extérieur en général. De toute façon, il y a tellement de sorties que tout ça ne veut plus vraiment dire quelque chose. Pour nous, il n’y a aucun intérêt à sortir un album si nous ne sommes pas convaincus qu’il est bon.
Ça se passe comment en Angleterre, vous avez commencé à jouer le nouvel album?
On a donné notre premier concert anglais il y a deux jours, où nous avons joué certaines chansons de Pala pour la première fois. Pour en revenir à ce que tu disais tout à l’heure, ça a bien fonctionné, on était contents de voir que notre public anglais était toujours au rendez vous. Tout va bien tu sais, on essaie de ne pas jouer trop souvent pour que ça ne devienne pas quelque chose de commun. On joue la majorité de nos concerts à guichets fermés, pas vraiment de quoi se plaindre en fait. Ca serait stupide d’entreprendre des dates énormes comme le font certains groupes, ça ne voudrait rien dire. On préfère jouer dans des salles qui seront remplis à coups sur, continuer notre progression à notre rythme.
A l’international aussi, ça a l’air de vous réussir. Vous partez bientôt faire une tournée géante aux Etats-Unis, c’est ça ?
On a déjà fait une tournée US, mais celle-ci est effectivement la plus grande que nous ayons entreprise. On aime beaucoup jouer à l’étranger. Les salles anglaises ont souvent le défaut de ne pas avoir beaucoup de charme. Le succès instantané n’a jamais fonctionné avec nous, mais je pense pourtant que tout continue de jouer en notre faveur. Tellement de groupes sont jetés en haut des charts le temps d’une semaine pour finalement se faire oublier aussi vite qu’ils étaient apparus… On préfère s’installer sur la durée, ce qui doit arriver, arrivera.
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