Bientôt immense, la Suédoise passera en France en avril, notamment dans le cadre des Femmes s’en Mêlent : l’occasion parfaite pour une rencontre au Danemark avec une forte tête et un génie pop. A (re)découvrir avec trois morceaux en écoute et un longue interview.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Comment décririez-vous vous paroles, la façon dont elles interagissent ?
Je pense qu’elle se suivent de manière très serrée, elle découlent les unes des autres, ou du moins la mélodie et les paroles. Parfois, de façon stylistique et harmoniquement parlant, je joue avec tous ces paramètres et les développe pour aller vers un tout dans une nouvelle perspective, mais principalement je crée des mélodies très rapidement, et les paroles mettent plus de temps et viennent après. Et quand parfois j’écris des paroles et c’est comme si j’avais entendu la mélodie en même temps et vous savez c’est très facile…euh avec les mélodies.
D’une certaine façon, les mélodies viennent sans censure?
Parfois je les change, mais je pense avoir un don pour ça, c’est vraiment facile d’écrire une chanson, je le fais en un claquement de doigt, je pense que c’est plus facile pour moi que pour beaucoup de personnes. Et je ne m’assois pas en me disant « bon quelle serait la mélodie parfaite », je ne suis pas ingénieur. Mais avec les paroles oui je le fais, mes textes sont extrêmement réfléchis, j’essaye d’écrire de la poésie et je travaille pour beaucoup pour ça. Je veux qu’elles expriment la bonne chose. J’écris des choses en anglais, qui n’est pas ma langue maternelle, j’essaye de trouver mon propre anglais, je n’essaye pas de trouver un anglais correct mais un anglais… presque correct. Et les gens font des cauchemars (rires) « Frida tu sais, tu ne peux pas écrire ça ! » Mais dans ma langue, c’est exactement comme ça que ça se dit et ça veut dire quelque chose que vous ne pouvez pas dire dans une autre langue. Pour moi c’est très important d’exprimer cela, ce n’est pas par paresse mais pour gagner en précision.
Tes textes sont parfois très métaphoriques…
Oui. C’est parfois pour rire, comme un pastiche de métaphore. J’écris parfois des textes plutôt kitsch vous savez…
Il y a aussi des éléments mélodramatiques dans vos chansons, et d’autres plutôt drôles…
Oui…oui c’est sûr…je pense que l’un devient inintéressant sans l’autre. Parfois quelque chose intervient et je sens quand je le fais trop. Je pense qu’au final c’est un peu la combinaison de l’humour finlandais et anglais. C’est toujours la nécessiter d’ébranler ce que l’on vient de dire en le rendant caduque, en le reprenant, « bien sûr je ne le pensais pas. Je t’aime mais en fait non. Tu m’as vraiment cru quand je t’ai dit ça ? » (rires). C’est très cynique…
Vous aimeriez l’être ?
Non, je ne suis pas cynique, je n’aimerais pas l’être. Je ne suis pas cynique, du tout, j’utilise ça dans les chansons mais je suis aussi très sentimentale dans mes chansons. Donc c’est, oui des deux côtés, comme vous l’avez dit. Ce qui est peut-être, si on prend les chansons comme quelque chose qui a à voir avec moi, quelque chose qui est réellement qui vient de moi vous voyez…
C’était ma prochaine question…
Oui on peut le voir comme quelque chose de semi-autobiographique… je dirais que les deux côtés, le sentimental ou le cynique, sont comme une façon intérieure de raisonner. L’ange et le démon, assis de part et d’autre en train de discuter, cette image classique…
Vous avez déjà choqué des proches, avec vos textes ?
Non. On m’a déjà demandé ça auparavant, la personne qui vous a inspiré ne m’a pas cernée, il est venu me voir et m’a dit « je me rends compte que c’est à moi que vous parlez, est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? avez-vous essayé de me communiquer quelque chose à travers cette chanson ? ». Et moi j’étais là « non, je vous l’ai déjà dit il y a un an, on ne se voit même plus, j’ai juste utilisé ça pour faire une chanson, et je ne communique pas par mes chansons vous savez. » Je trouve que cela serait… méchant, diabolique et ennuyeux… (rires) Non : ce serait juste inefficace,c’est tellement plus facile d’appeler l’autre. Il y a quelques chansons que j’ai écrites en m’inspirant que quelqu’un mais je leur ai fait écouter avant, leur ai envoyé les paroles par email en leur demandant si ça allait, et la plupart du temps ces personnes se sentent flattées, touchées….
Qu’est-ce qu’une bonne chanson pour vous ?
Quelque chose d’inspirant je pense, ou libérateur peut-être, ou juste magnifique… la beauté est toujours bonne, vous savez. Je veux dire il y a tellement d’aspects de la musique, même une belle mélodie peut être chantée par un chanteur nul, si il se cale au bon moment…ça peut donner quelque chose de bien. Je pense que j’écris des chansons pour les chansons vous voyez, je ne suis pas mégalomaniaque mais je me sens comme… je n’écris pas pour faire plaisir aux gens, je vise la magnificence, je vise presque Dieu vous voyez ?Ce n’est pas que je croie en Dieu et je trouve que l’idée de bien et de mal, je trouve cela complètement écoeurant d’une certaine façon mais c’est la façon dont je travaille vous voyez, c’est comme ça que je le sens.Je sens juste que c’est bien. Je peux même ne pas l’aimer, je sais juste que c’est bien, que ça doit être de cette façon… Souvent je n’aime pas ma musique du tout, parfois j’aimerais être une lap dancer ou une reggae singer…Ce sont des exemples bizarres mais je m’ennuie parfois de ma musique. J’y suis tellement habituée…
Ce qui pourrait expliquer la différence entre le premier et le second album ?
Non je pense qu’à la base ils sont pareils pour moi. Oui, c’est moi au piano à chanter mes paroles, pour moi l’expérience est la même. Je pense que trouver mon groupe était une façon de rendre les choses plus amusantes, mais je suis tout de même bloquée sur mon style, je ne pourrais pas essayer de devenir reggae singer parce que je serait une reggae singer complètement nulle, je dois être moi-même.
Vous pourriez vous ennuyer suffisamment pour vous arrêter ?
On ne sait jamais. Mais j’aime vraiment beaucoup chanter. Quand je suis à la maison, je chante tout le temps. Je n’écoute pas ce que je chante, j’aime juste chanter, c’est comme un exercice. Ca me rend heureuse. Je ne pourrais jamais être fatiguée de chanter, mais peut-être que je pourrais être fatiguée de sortir des albums et d’être dans l’industrie musicale, même si c’est plutôt agréable.
Que pouvez-vous me dire à propos de votre dernier album ? Quand y avez-vous pensé ? Qu’avez-vous essayé d’accomplir avec cet album ?
J’ai commencé à y penser il y a deux ans. Entre temps, j’ai beaucoup voyagé, pendant une longue période, puis j’ai acheté cette maison de campagne ou je pouvais travailler, pour emménager là-bas… J’avais été comme sans domicile fixe pendant un an et c’était tellement bon d’avoir un chez-soi, je voulais un peu vivre dans ma maison, rassembler les choses et ça a pris quelques mois. Alors j’ai pu commencer à écrire. C’était il y a un an environ. J’ai écrit chaque jour du printemps dernier.
Vous aviez besoin d’être isolée du monde extérieur pour écrire ?
Je ne sais pas si j’en avais besoin mais j’ai préféré faire de cette manière. Et quand je suis arrivée là-bas je me suis naturellement isolée, parce que c’est à la campagne. Rien pour me déranger… à part moi-même bien sûr. Je me levais et allais travailler, retournais au lit, etc. C’était vraiment intéressant vous savez, je n’avais jamais fait ça avant. Fascinant. C’est bien d’être seule, tu peux vraiment enlever toutes tes défenses et devenir très ouverte, devenir vraiment comme à vif… C’est une bonne manière d’être pour écrire et faire de la musique, c’est une expérience très spirituelle. Car vous pouvez laisser l’esprit se mouvoir. Parfois, quand j’allais juste au magasin pour acheter à manger, j’étais… je sentais que je devenais bizarre vous voyez ? (rires) ça va tellement vite… Je faisais du yoga tous les jours et je ne fumais pas, ne buvais pas, j’étais presque comme un moine. C’était presque comme un rituel pour devenir adulte. D’aller dans ma maison à la campagne, de réfléchir à la direction que devait prendre ma vie et réaliser que l’unique chose que je voulais faire était faire de la musique. Ne pas le faire à moitié, le faire vraiment.
Vous expliquez que vous ne vous sentiez pas à l’aise, vous pensez que certaines personnes pourraient se sentir mal à l’aise en écoutant vos paroles ?
Tout à fait.
Et vous vouliez vous sentir mal à l’aise, vous vouliez vous sentir à nu…
J’ai treize chansons qui sont dans l’album et la plupart étaient comme les dernières que j’avais écrites quand les choses allaient vraiment bien et j’étais heureuse de ça.
Parce qu’avant ça les choses allaient vraiment mal pour vous ?
Oui, et ce n’était pas joyeux. C’était vraiment dur au début, car je n’avais pas passé du temps avec moi-même depuis très longtemps. Je pense que j’ai été mal à l’aise toute ma vie, je suis une personne sensible et le monde joue des tours. Beaucoup de choses ont changé entre les deux albums, avec le premier album je suis devenue célèbre en Suède et j’ai fait des tournées pendant quelques années donc ma situation a beaucoup changé. Je deviens de plus en plus connue et je pense le vouloir car je pense que c’est une bonne aide pour les choses que je veux faire et je pense que c’est intéressant mais ce que je trouve le plus désagréable est que les gens que je connais ont changé dans la manière dont ils me parlent. Je n’aime pas cela, j’ai eu le sentiment étrange que ma famille a commencé à m’appeler de plus en plus. Je me suis un moment sentie très seule. Mais j’ai ensuite réalisé que ce n’était peut-être pas aussi mauvais. Les amis et la famille sont heureux quand les choses vont bien, ils sont fiers, ils pensent qu’ils sont une grande part de la chose…
{"type":"Banniere-Basse"}