Freek, c’est chic. Autrefois producteur techno anonyme, Luke Slater lève le masque et fait visiter sa discothèque et ses carnets intimes. Sur la pochette, avec son crâne rasé et sa tenue d’électricien du troisième millénaire, Luke Slater ressemble effectivement à un freak, personnage plutôt inquiétant et solitaire. Si dans l’univers techno il est de plus […]
Freek, c’est chic. Autrefois producteur techno anonyme, Luke Slater lève le masque et fait visiter sa discothèque et ses carnets intimes.
Sur la pochette, avec son crâne rasé et sa tenue d’électricien du troisième millénaire, Luke Slater ressemble effectivement à un freak, personnage plutôt inquiétant et solitaire. Si dans l’univers techno il est de plus en plus fréquent que les musiciens se dévoilent et se pavanent sur leurs disques, ce geste prend, chez Slater, une résonance autrement plus symbolique. Dans un anonymat entretenu, il a depuis la fin des années 80 multiplié les productions sous différents pseudonymes, dont le plus fameux reste Planetary Assault Systems. Freek funk est le premier album qu’il a décidé d’assumer sous sa véritable identité. Parmi les raisons qui l’ont poussé à enlever le masque, certaines sont sûrement d’ordre pratique nouveau label, nouveau départ , mais d’autres sont à chercher dans la maturité dont témoigne ce recueil, véritable kaléidoscope de la techno se situant aux antipodes du tout-venant.
Pour son auteur, ce disque fera d’abord office de bilan sur son passé, ses influences, son background musical , mais un bilan sans queue ni tête, où l’electro de Are you there succède à l’ambient cinématographique de Score two, où le mur du son industriel de Filter 2 voisine avec le funk affolé de Bless bless un funk qui se trémousse de guingois, proche de la rupture et de la perte d’équilibre. Cependant, Slater ne s’arrête pas là et va également de l’avant. Il nous emmène dans des zones indescriptibles et énigmatiques aux musiques sans nom : Zebediah ressemble à du dub lyophilisé ; Walking the line, hip-hop abstrait et déboussolant, referme le disque par un immense point d’interrogation. Véritable plongée dans un univers personnel, Freek funk s’adresse donc tout autant aux danseurs qu’aux rêveurs, pourvu qu’ils n’aient pas le souffle court et la vue basse : mieux vaut ne pas attendre trop de conformisme de la part de Slater, trop exigeant pour les facilités d’une lambada techno. Car en plus de ses qualités synthétiques évidentes, sa musique s’avère sonner terriblement humaine : à travers les machines, on voit clairement cet homme fuyant de la pochette ; derrière ce funk mécanique d’un autre âge bat un coeur au pouls variable mais toujours sensible. Ainsi, il faudra se montrer particulièrement impassible pour rester sourd à la beauté de l’envoûtant Love, répété jusqu’à l’obsession, comme un mantra. Comme son collègue américain Carl Craig, Luke Slater apporte un démenti fumant à ceux qui croient encore la techno jouée par des cyborgs sans âme.
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