Four Sail

Parmi les laudateurs et autres exégètes de Love, il y a ceux pour qui Forever Changes agit comme un fanal et dans la lumière duquel, tels des papillons de nuit, ils virevoltent aveuglément, laissant dans l’ombre tout un pan de la riche discographie d’Arthur Lee. Les vrais fans, eux, savent combien l’œuvre exhaustive du métis recèle de rogatons, mais surtout de perles noires. Dans le registre torturé, Four Sail vaut la peine d’être (ré)écouté. Enregistré en 1968 pour le compte d’Elektra et crédité à Love, Four Sail est en fait le premier véritable album solo d’Arthur Lee, épaulé ici par un trio de boucaniers hendrixiens, aussi âpre et rugueux que le Love original pouvait être délicat et raffiné. Pas trace, au long de ces dix chansons jouées à l’arraché, de psychédélisme symphonique, de cordes élégiaques, de trompettes célestes, d’espagnolades baroques’ A la place, un brasier de guitares rougeoyantes et de batterie crépitante ? avec la voix d’Arthur Lee posée dessus, comme brûlée vive. De Love, reste le songwriting, intact.

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Même lacérées de solos de guitares, les chansons de Four Sail gardent cette grâce lumineuse et insolente, cette ferveur enchanteresse, sans équivalent ou presque dans l’histoire de la pop. Citons, pêle-mêle, l’irradiant August, Singing Cowboy, Robert Montgomery, le précieux Always Your Face et surtout Your Friend and Mine, une drug-song douce-amère, estampillée d’un fatalisme morbide ? plongé jusqu’aux yeux dans la poudre, Arthur Lee maîtrise alors le sujet sur le bout des doigts. Politiquement très incorrect, Four Sail est un de ces albums de fond de discothèque qu’on peut faire mine d’ignorer, mais dont il est impossible de se passer. Cette superbe réédition en est l’évidente démonstration.