Un Américain compose la BO bouleversante et inconfortable de l’Apocalypse. En concert cette semaine
Prelude for Piano and Malaria, For Auschwitz ou encore Ode to Faithful Kataklysm : les titres de cet album annoncent clairement (si l’on ose dire) la couleur. De toute évidence, la vague fluo et son cortège de musiques méga-fun n’ont pas atteint les rivages de l’Amérique où réside le compositeur Joshua Neil Geissler, alias Worrytrain. Fog Dance, My Moth Kingdom est un envoûtant requiem pour la fin des temps qui réunit toutes les nuances de noir, des plus douces (les mélodies pour piano, sœurs des compositions dépouillées de Max Richter ou des Rachel’s) aux plus électriques (les insoutenables décharges bruitistes de Thundertrance Interlude ou de Saturniidae), des plus satinées (les amples drapés de cordes de Achtung, God ou de Soviet Passages) aux plus rêches (la dérive atonale d’Exorcism for Cello and Malaria).
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Cette musique n’a pas le cœur à rire : elle porte le deuil d’un monde en voie d’extinction, qui ne se remettra pas d’être sorti du ventre monstrueux du XXe siècle. Les amateurs de sons festifs n’y verront sans doute qu’un pénible catalogue d’incantations doloristes et fatalistes. Geissler est pourtant de ces témoins au regard perçant et à la sensibilité aiguë, que le spectacle de l’humanité laisse sans voix, mais pas sans réaction. Sans recourir au verbe, sa musique énonce cette vérité inconfortable mais porteuse d’espoir : c’est quand tout tombe en ruine que l’on peut croire enfin à des lendemains qui chantent.
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